Taux réduit d'IS PME : attention aux modalités de calcul du seuil de chiffre d'affaires
Pour apprécier le seuil de chiffre d’affaires (CA) de 10 M€ pour bénéficier de l’IS à taux réduit de 15 %, il faut retenir les recettes de l’activité normale et courante. Constituent de telles recettes et font donc partie du CA les sommes facturées par une société de transport routier à sa filiale, exerçant la même activité, au titre de la cession à prix coûtant de carburant.
Le taux réduit d'IS de 15 % est réservé aux PME dont le chiffre d'affaires est inférieur ou égal à 10 M€, pour la fraction de leur bénéfice n'excédant pas 42 500 €.
Pour apprécier si le seuil de chiffre d'affaires est respecté, les sommes refacturées par une société de transport routier à sa filiale, exerçant une activité similaire à la sienne, en contrepartie de la rétrocession à prix coûtant de carburant, constituent des produits se rattachant à son activité normale et courante. Ils concourent à la détermination de son chiffre d’affaires, même si elle n’a dégagé aucune marge à l’occasion de ces opérations.
Taux réduit d'IS PME de 15 %
Rappels des conditions à respecter
Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2022, le taux normal d’IS s’établit en principe à 25 %. Cependant, les PME peuvent bénéficier du taux réduit d’IS de 15 %, pour la fraction de leur bénéfice n’excédant pas 42 500 €, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes (CGI art. 219, 2.b) :
-avoir réalisé un chiffre d’affaires hors taxes (HT) au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramenée s’il y a lieu à 12 mois, inférieur ou égal à 10 M€ ; et
-leur capital entièrement libéré est détenu de manière continue pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une ou plusieurs sociétés répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins (droits de vote et droits à dividende), par des personnes physiques.
Rappelons que la limite de chiffre d’affaires de 10 M€ s’applique pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2021 (contre 7 630 000 € auparavant) et le plafond de 42 500 € s’applique au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2022 (contre 38 120 € avant cette date) (loi 2022-1726 du 30 décembre 2022, art. 37 ; CGI art. 219, I.b et f).
Pour le calcul du seuil, le chiffre d'affaires correspond aux recettes de l'activité normale et courante
Pour apprécier le seuil de 10 M€ (voir ci-avant), le chiffre d’affaires correspond au montant hors taxes (HT) des recettes réalisées par l'entreprise dans l’accomplissement de son activité professionnelle normale et courante (BOFiP-IS-LIQ-20-10-§ 40-03/03/2021).
Cette définition correspond à celle retenue par l’article 512-2 du PCG, selon lequel le chiffre d’affaires correspond au « montant des affaires réalisées par l’entité avec les tiers dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante » (PCG art. 512-2).
Les modalités de calcul de ce seuil de 10 M€ (pour savoir, en l'espèce, si une société de transport routier pouvait bien bénéficier du taux réduit d'IS, ou non) ont justement donné lieu à un arrêt récemment rendu par la cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon 5 janvier 2023, n° 21LY02526), que nous analysons pour vous ci-après.
Le calcul du seuil de chiffre d'affaires d'une société de transport routier a été remis en cause…
Sommes facturées à une filiale, exerçant la même activité, au titre de la cession à prix coûtant de carburant
Dans l'affaire qui nous intéresse, une SARL de transport routier avait liquidé et acquitté l’IS au taux normal dont elle était redevable (au titre des exercices clos en 2017 et 2018). Elle avait, ensuite, demandé par voie de réclamation l’application du taux réduit d’IS de 15 % (à la fraction du résultat taxable inférieure à 38 120 €, plafond applicable au moment des faits ; voir ci-dessus) au motif que son chiffre d’affaires (CA) n’excédait pas la limite de 7 630 000 € (là aussi, seuil applicable au moment des faits ; voir ci-dessus) au-delà de laquelle le taux réduit ne s’appliquait pas.
Pour apprécier cette limite, la SARL n’avait pas pris en compte, dans le montant de son chiffre d’affaires, les sommes qu’elle avait facturées à sa filiale (en l'occurrence filiale détenue à plus de 55 %) exerçant une activité similaire à la sienne, au titre de la cession à prix coûtant de carburant.
L’administration fiscale, suivie du tribunal administratif de Dijon, avait refusé que ces sommes facturées à la filiale ne soient pas retenues dans le montant du CA. En conséquence, le montant du chiffre d’affaires retenu dépassait donc le seuil de 7 630 000 € applicable à l'époque des faits. Or, la cour administrative d’appel de Lyon vient de confirmer cette position…
Les refacturations en question étaient comptabilisées en compte de produits 708 chez la SARL de transport routier (CAA Lyon 5 janvier 2023, n° 21LY02526).
Les ventes de carburant facturées à prix coûtant sont à prendre en compte pour le calcul du chiffre d’affaires
Connexion entre comptabilité et fiscalité
Pour déterminer si les sommes que la SARL avait facturées à sa filiale, au titre de la vente à prix coûtant de carburant, devaient ou non être comprises dans le montant de son chiffre d’affaires, les juges du fond ont tout d'abord rappelé que les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général (PCG) (CGI ann. III, art. 38 quater), sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt.
Ils se fondent également sur la définition du chiffre d’affaires donnée par l’article 512-2 du PCG (selon lequel, le chiffre d’affaires est le montant des affaires réalisées par l’entité avec les tiers dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante ; voir ci-avant).
Produits se rattachant à l'activité normale et courante, même en l'absence de marge
En l’espèce, les juges en déduisent donc que, compte tenu de son activité de transport routier, les sommes que la SARL a refacturées à sa filiale, exerçant une activité similaire à la sienne, en contrepartie de la rétrocession à prix coûtant de carburant, constituent des produits se rattachant à son activité normale et courante et concourent à la détermination de son chiffre d’affaires, alors même qu’elle n’a dégagé aucune marge à l’occasion de ces opérations.
Ainsi, la cour administrative d'appel de Lyon a donné raison à l’administration fiscale qui avait retenu ces refacturations dans le montant de son chiffre d’affaires (CAA Lyon 5 janvier 2023, n° 21LY02526).
On peut noter que les juges du fond ont considéré que la SARL ne pouvait se prévaloir du courrier adressé par l'administration fiscale à sa filiale (en 2021) qui indiquait que les refacturations de carburant devaient être extournées du chiffre d’affaires, car ce courrier était intervenu postérieurement à son imposition primitive (2017-2018).