Procédures du CAC en cas d'inventaire des stocks post-clôture dans le contexte "Covid"
Quelles sont les procédures alternatives ou complémentaires à mettre en œuvre par le commissaire aux comptes pour sécuriser l’inventaire physique des stocks effectué à une date postérieure à la clôture des comptes, dans le contexte de crise sanitaire liée au Covid-19 ? (CNCC – CANP /CNP 2020-04, « Nature et étendue des procédures alternatives ou complémentaires à mettre en œuvre par le commissaire aux comptes lorsqu’il effectue des comptages du stock à une date postérieure à la clôture des comptes »).
Inventaires reportés pour cause de Covid-19
Inventaire des stocks et intervention du CAC : rappels
Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les 12 mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise (c. com. art. L. 123.12, al. 2).
S’agissant de l’intervention du commissaire aux comptes, lorsque l’entité en est dotée, la NEP 501 « Caractère probant des éléments collectés (applications spécifiques) » précise que si, en raison de circonstances imprévues, le commissaire aux comptes ne peut être présent à la date prévue pour la prise d'inventaire physique, et dans la mesure où il existe un inventaire permanent, il intervient à une autre date :
-soit en procédant lui-même à des comptages physiques ;
-soit en assistant à de tels comptages.
Il effectue également, s'il le juge nécessaire, des contrôles sur les mouvements intercalaires (NEP 501, § 5).
Lorsque sa présence à la prise d'inventaire physique est impossible, notamment en raison de la nature et du lieu de cet inventaire, le commissaire aux comptes détermine s'il peut mettre en œuvre des procédures d'audit alternatives fournissant des éléments présentant un caractère probant équivalent (NEP 501, § 6).
Problématiques d’inventaires posées par le contexte « Covid-19 »
La Commission d’application des normes professionnelles (CANP) (voir repères ci-contre) a précisé les diligences à mettre en œuvre par le CAC lorsqu'il n'assiste pas à l'inventaire physique réalisé par l'entité à la clôture de l'exercice, ou lorsque l'entité n'a pas réalisé d'inventaire physique à la date de clôture et que le CAC assiste à un inventaire réalisé postérieurement à cette date (CNCC–CANP/CNP 2020-04).
En pratique, deux cas de figure peuvent se présenter :
-cas n° 1 - L’entité réalise l’inventaire physique à la date de clôture (le 30 avril 2020 par exemple) mais le CAC ne peut pas y assister ;
-cas n° 2 - L'entité n’a pas réalisé d’inventaire physique à la date de clôture (le 30 avril 2020 par exemple), et son activité a été maintenue dans le contexte de la pandémie de Covid-19. L’entité réalise un inventaire physique au 31 mai 2020 et le CAC assiste à cet inventaire.
Le cas n° 2 peut concerner, notamment, le secteur de la distribution alimentaire.
Dans les deux cas, il est supposé que l’inventaire physique porte sur la totalité du stock et qu’il n’existe pas d’inventaire tournant ; un inventaire permanent est mis en place (NEP 501, § 5).
La Commission d’application des normes professionnelles (CANP) de la CNCC répond aux questions relatives aux diligences à mettre en œuvre et aux rapports à émettre dans le cadre des missions des commissaires aux comptes. Le Comité des normes professionnelles (CNP) élabore et actualise les normes d'exercice professionnel (NEP) ainsi que la doctrine relative à l'exercice des missions des commissaires aux comptes.
Recommandations face aux risques liés à la crise sanitaire
La CANP a tout d’abord rappelé que la procédure d’inventaire physique est une procédure essentielle de contrôle des actifs en stock détenus par l’entité. Par ailleurs, qu’il existe ou non un inventaire tournant, dans les deux cas précités, le CAC met à jour son évaluation des risques d’anomalies significatives dans les comptes ainsi que son approche d’audit.
Or, le contexte de crise actuel peut laisser craindre une dégradation du contrôle interne au sein des entités, en raison des difficultés engendrées par les mesures sanitaires. Ainsi, les procédures de contrôle interne sur les entrées et sorties des articles en stock ont pu ou ont dû être modifiées par l’entité, en raison des difficultés liées au contexte (diminution de ressources humaines, droit d’accès élargis, moindre séparation des tâches, priorité des exigences de sécurité de santé, …). Le CAC doit prendre en considération les incidences liées au contexte pour déterminer son approche d’audit sur les stocks, dans chacun des deux cas envisagés :
-dans le cas n° 1 - absence d’assistance à l’inventaire physique : la mise en œuvre de procédures alternatives est essentielle pour pallier l’absence de collecte d’éléments probants obtenus au travers de la présence du commissaire aux comptes à la prise d’inventaire physique des stocks à la date de clôture ;
-dans le cas n° 2 - report de l’inventaire à une date ultérieure avec assistance du commissaire aux comptes à l’inventaire physique : évaluation des procédures dites de « roll back » (contrôle rétrospectif des mouvements intercalaires) mises en place par l’entité. L’étendue des procédures mises en œuvre par le commissaire aux comptes est dimensionnée au regard des éléments de contexte (activité, historique, événements sur la période intercalaire...) et de sa connaissance du dossier.
En particulier, le cas n° 1 nécessite une combinaison de procédures alternatives car une procédure isolée ne permet généralement pas de collecter des éléments probants suffisants et appropriés pour pallier l’absence de contrôle physique des stocks par le CAC.
Le roll back est la reconstitution du stock à la date de clôture à partir d’un inventaire effectué à une date ultérieure, notamment s'il y a eu peu de mouvements sur la période intercalaire.
Approche préalable...
Approche en amont des procédures alternatives (cas n° 1) ou complémentaires (cas n° 2)
En vue de déterminer la nature et l’étendue des procédures alternatives nécessaires, le CAC prend, notamment, en considération un certain nombre d’éléments. Sont ainsi pris en compte, par exemple, la nature et les caractéristiques des stocks, leur caractère significatif ou non, le secteur d’activité de l’entité, l’appréciation par le CAC de l’efficacité des contrôles réalisés par l’entité.
-S’agissant de la prise en compte du secteur d’activité de l’entité, dans le cas de la production, il paraît plus difficile (que dans une activité de négoce) de reconstituer les mouvements, du fait des en-cours, notamment dans le cas de cycles de production longs.
-Il convient également de prendre en considération les conséquences de la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19 sur l’activité de l’entité : arrêt, réduction, stabilité, accroissement, absence ou non de mouvements post-clôture dans les stocks.
-Le commissaire aux comptes tient également compte de son appréciation, lors du contrôle des stocks des exercices précédents, de la fiabilité des procédures de comptage définies par la direction pour l'enregistrement et le contrôle des résultats des comptages, de l’importance des ajustements effectués ou des écarts d’inventaire constatés. Il apprécie aussi l’efficacité des contrôles réalisés par l’entité sur les mouvements de stocks.
Éléments supplémentaires à considérer dans le cas n° 1
Par rapport à l’approche préalable précitée, qui est applicable dans les cas n° 1 et n° 2, des éléments supplémentaires sont à considérer dans l’approche préalable à la mise en œuvre des procédures alternatives (cas n° 1).
En effet, dans le cas n° 1, afin d’obtenir des éléments probants, le commissaire aux comptes peut demander à l’entité de faire un comptage à une date postérieure à la date de clôture lui permettant d’en suivre le processus et de mettre en œuvre les procédures de « roll back ».
Afin d’obtenir des éléments probants équivalents, le CAC peut demander à l’entité d’effectuer un nouveau comptage à une date postérieure à la date de clôture : le commissaire aux comptes pourra donc l’observer et mettre en œuvre les procédures complémentaires de « roll back ».
Il relève du jugement professionnel du commissaire aux comptes d’évaluer quelles procédures alternatives permettent de pallier son absence lors de la prise d’inventaire physique mené par l’entité à la clôture (CNCC – CANP/CNP 2020-04, § 4.1.2).
...et étapes prérequises avant la mise en œuvre des procédures
Étape préalable commune aux cas n° 1 et n° 2
Avant la mise en œuvre des procédures alternatives ou complémentaires, le CAC doit au préalable (dans les cas n° 1 ou n° 2) s’entretenir avec la direction sur l’ensemble des éléments ayant trait au suivi du traitement des stocks et notamment sur l’adaptation des procédures dans le cadre de la crise sanitaire. Le CAC s’enquiert des travaux menés par l’entité pour réduire les contrôles sur la période intercalaire et sur le suivi de critères pouvant mener à des dépréciations de stock.
Étape supplémentaire applicable au cas n° 2
Dans le cas n° 2 (voir ci-avant), le CAC y ajoute une étape supplémentaire qui consiste à tester la procédure de comptage à la date d’inventaire, via les points suivants :
-l’obtention des procédures et organisation de l’inventaire au 31 mai (instructions écrites, recensement des lieux de stockage, modalités de comptage, analyse et traitement des écarts entre l’inventaire physique et l’inventaire permanent, …) ;
-l’évaluation des conditions de réalisation de la procédure d’inventaire ;
-le comptage d’une sélection de références en stock au 31 mai en suivant les mêmes règles que celles que le commissaire aux comptes aurait appliquées à la clôture. L’étendue de la sélection est définie en considérant le niveau de risque induit par la situation liée à la crise sanitaire et économique de l’épidémie de Covid-19 et la séparation des exercices (tests de cut-off au 31 mai sur les achats / ventes et bouclage avec les montants en stocks) ;
-le rapprochement du comptage avec l’inventaire permanent et analyse des écarts au 31 mai.
Mise en œuvre des procédures
Points communs aux cas n° 1 et n° 2
Dans les 2 cas, le CAC met en œuvre une procédure analytique de substance pour vérifier la cohérence des mouvements de stocks intervenus depuis la clôture ainsi que sur la période N / N – 1 (nature, quantités, le cas échéant évolution des marges).
Procédures alternatives supplémentaires (cas n° 1)
Pour le cas n° 1, le CAC exerce son jugement professionnel afin d’évaluer quelles procédures alternatives doivent être mises en place. Une combinaison de celles-ci permet de renforcer les remontées fiables d’informations.
Dans cette combinaison de procédures alternatives, le CAC pourra en particulier anticiper et obtenir, sous la responsabilité du responsable de l’inventaire, les feuilles de comptage, le jour même de l’inventaire, et vérifier, par sondage ou d’autres méthodes de sélection, le report correct des quantités inventoriées sur l’état des stocks. Il peut aussi demander que soit effectué un nouveau comptage partiel en présence d’une personne responsable au sein de l’entité.
Procédures complémentaires sur les mouvements intercalaires (cas n° 2)
Pour le cas n° 2, le CAC exerce son jugement professionnel pour déterminer les contrôles sur les mouvements intercalaires (« roll back ») qu’il souhaite effectuer.
Les procédures complémentaires sur les mouvements intercalaires peuvent, par exemple, consister en des tests, le cas échéant, sur des références présentes au 30 avril mais non présentes à la date du comptage par le commissaire aux comptes afin de vérifier la réalité et l’exhaustivité des mouvements enregistrés. Il n’appartient pas au CAC de reconstituer les mouvements de stocks sur la période intercalaire. Si l’entité n’est pas en mesure d’effectuer cette reconstitution, le CAC en tire les conséquences sur son opinion.
Précisons que ces procédures complémentaires peuvent également être mises en œuvre dans le cas n° 1 dans l’hypothèse où le commissaire aux comptes demande à l’entité d’effectuer un nouveau comptage à une date postérieure à la date de clôture ou effectue un nouveau comptage (partiel le cas échéant) en présence d’une personne responsable au sein de l’entité (CNCC – CANP/CNP 2020-04, § 4.3.3).
Quid si les éléments probants sont insuffisants ou inappropriés ?
Si, dans les deux cas étudiés, le CAC n’est pas en mesure de collecter des éléments probants suffisants et appropriés, selon l’importance de l’assertion et du solde du compte stocks à vérifier, et selon que la formulation de la réserve est ou non suffisante pour permettre à l’utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause, il formule une réserve pour limitation ou une impossibilité de certifier (CNCC, NI I, « Les rapports du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et consolidés », décembre 2018 ; NEP 700, « Rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et consolidés », §§ 11 et 14).
Dans le contexte de crise actuel, les CAC n'ont pas toujours pu assister aux inventaires physiques des stocks lorsque ceux-ci ont été effectués par l'entité auditée, à la date de clôture.
Par ailleurs, certaines entreprises qui ont pu maintenir leur activité pendant la pandémie (dans le secteur de la distribution alimentaire par exemple) ont reporté l'inventaire physique à une date postérieure à la clôture.
La crise liée au Covid-19 peut laisser craindre une dégradation du contrôle interne au sein des entités (diminution des ressources humaines disponibles, priorité aux exigences sanitaires...) dont le CAC doit tenir compte pour déterminer son approche d’audit sur les stocks.
Suivant les cas de figure rencontrés, il doit mettre en œuvre des procédures alternatives supplémentaires ou des procédures complémentaires sur les mouvements intercalaires.