Comptabilisation des 3 types de legs dans les associations
Une association bénéficiaire d'un legs universel, tenue de s'acquitter de legs particuliers envers 2 autres associations, comptabilise les montants versés au passif du bilan en « autres dettes », par la contrepartie d'un produit. Les associations qui ont reçu les legs particuliers, quant à elles, les comptabilisent à l'actif en « créances reçues par legs ou donation », par la contrepartie d'un produit de legs (CNCC, EC 2022-07, mai 2022).
Par ailleurs, une association légataire à titre universel doit comptabiliser la quote-part des actifs et passifs lui revenant dans les comptes de bilan appropriés, par la contrepartie d'un produit, sauf stipulation du testateur de renforcer ses fonds propres (CNCC, EC 2022-10, juin 2022).
Quelques définitions relatives à la succession
L'actif net successoral
À la date d’acceptation, l’actif net successoral correspond à l’ensemble des biens et des créances appartenant au défunt après déduction du passif de la succession (ANC, règlt 2018-06 relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif, sous-section 2 « Règles de comptabilisation des legs ou donations à la date d’acceptation », IR 3).
La date d’acceptation du legs s’entend comme la date de comptabilisation des biens et dettes à la date d’acceptation, à la date d’entrée en jouissance si celle-ci est postérieure ou à la date de levée de la dernière condition suspensive (ANC, règlt 2018-06, art. 213-5).
Les 3 catégories de legs
Le legs universel
Le bénéficiaire (le légataire universel) reçoit l’ensemble des biens, droits et actions que le testateur laisse à son décès (ANC, règlt 2018-06, art. 213-5, IR 1 ; c. civ. art. 1003).
Le legs à titre universel
Le bénéficiaire (le légataire à titre universel) reçoit une fraction ou une partie du patrimoine du testateur (ANC, règlt 2018-06, art. 213-5, IR 1), telle qu'une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier (c. civ. art. 1010).
Le legs particulier
Le bénéficiaire (le légataire particulier) reçoit un ou plusieurs biens déterminés ou déterminables (ANC, règlt 2018-06, art. 213-5, IR 1). L'entité a droit aux fruits du bien légué à compter du jour du décès lorsque le testateur l’aura expressément prévu dans son testament ou du jour de sa demande en délivrance ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie (c. civ. art. 1014).
Le légataire à titre universel et le légataire particulier ne sont jamais saisis de plein droit. Ils doivent faire vérifier leur titre et demander la délivrance de leurs legs aux héritiers réservataires ou, à défaut, au légataire universel ou, à défaut, aux héritiers légaux (ANC, règlt 2018-06, art. 213-5, IR 3).
Comptabilisation de legs particuliers versés par une association à 2 autres associations
Termes du legs universel reçu par l'association A
L’association A reçoit un legs universel, dont les termes prévoient :
-un actif net successoral évalué à 5 M€, incluant des actifs immobiliers, mobiliers et financiers, déduction faite des dettes du défunt ;
-qu’en application d’une stipulation testamentaire, l’association A doit verser deux legs particuliers à deux autres associations (B et C), pour des montants forfaitaires respectifs de 700 K€ et 800 K€, à servir sur le produit net de réalisation du legs.
Quel est, alors, le traitement comptable applicable aux legs particuliers dans les comptes annuels de l’association A tenue de s’en acquitter, et des associations B et C qui en bénéficient ?
Comptabilisation des legs particuliers dans les comptes de l’association A
L'association A comptabilise d'abord le legs universel…
Au cas d’espèce, le legs ne comprend pas de conditions suspensives. L’association A, légataire universel, comptabilise donc, à la date d’acceptation du legs par l’organe habilité (ou à la date de jouissance si celle-ci est postérieure) (ANC, règlt 2018-06, art. 213-5, 213-7 et 213-8) :
-l’ensemble des actifs reçus en legs (immobiliers, mobiliers et financiers) ;
-les passifs provenant du legs (dettes du défunt) ;
-le cas échéant, une provision pour charges au titre des obligations mises à la charge du légataire par stipulation du testateur (versement d’une rente viagère…).
… puis les legs particuliers qu'elle doit verser, qui constituent des passifs…
Selon la Commission des études comptables de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), les legs particuliers dont l’association A doit s’acquitter au bénéfice des légataires particuliers désignés (associations B et C) constituent des passifs au sens de l’article 321-1 du PCG.
Par conséquent, l'association A doit, lorsqu'elle comptabilise le legs universel, les comptabiliser comme tels, pour le montant correspondant aux sommes dues aux légataires particuliers (PCG art. 321-2).
En effet, les legs particuliers résultent d’une affectation testamentaire : le testateur identifie les différents bénéficiaires de sa succession selon des statuts différents (universel ou particulier). Si le légataire universel reçoit la totalité des actifs et passifs de la succession, il doit néanmoins verser aux légataires particuliers les sommes prévues par affectation testamentaire.
… à présenter en « Autres dettes » au passif du bilan
Les sommes à verser au titre des legs particuliers ne constituent (ANC, règlt 2018-06, art. 213-8) :
-ni une « dette dont le défunt ne s’était pas libéré au jour de son décès » à présenter dans la rubrique « Dettes sur legs et donations », dans la mesure où ces legs représentent une affectation du testateur qui ne correspond pas à une dette du défunt en soi ;
-ni un « engagement pris par l’entité au titre des obligations stipulées par le testateur ou le donateur » à comptabiliser en tant que « Provisions pour charges sur legs ou donations », dès lors que ces legs n’ont pas la nature d’une charge afférente au legs universel reçu (ANC, règlt 2018-06, art. 213-8, IR 3) mais correspondent à une affectation testamentaire.
En conséquence, et en l’absence de traitement comptable explicitement prévu par le règlement ANC 2018-06, la Commission estime que les legs particuliers sont à présenter dans un compte « Autres dettes » au passif du bilan de l’association A. En effet, les bénéficiaires étant identifiés et les échéances et les montants dus étant connus avec suffisamment de certitude, ces derniers ont la nature d’une dette au sens de l’article 321-4 du PCG.
En contrepartie, l'association A comptabilise un produit
En l’absence d’une stipulation expresse du testateur de renforcer les fonds propres de l’entité bénéficiaire, les biens, dettes et provisions provenant d’un legs sont comptabilisés par la contrepartie d’un produit de l’exercice (ANC, règlt 2018-06, art. 213-9).
Au cas particulier, l’association A comptabilise dans son compte de résultat un produit à hauteur de 3,5 M€, représentant l’actif net successoral de 5 M€, déduction faite du montant des legs particuliers à verser pour 1,5 M€, comptabilisés en « Autres dettes ».
Les écritures comptables correspondantes sont ainsi, à notre avis, les suivantes :
Écriture chez A à la date d'acceptation
213 Constructions (actifs immobiliers) 4 218 Autres immobilisations corporelles (actifs mobiliers) 0,7 27 Autres immobilisations financières (actifs financiers) 0,3 467 Autres dettes 1,5 75432 Produit de legs 3,5
Le cas échéant, la partie des ressources, constatée en produit d’exploitation au cours de l’exercice, qui n’est pas encore encaissée ou transférée à la clôture de l’exercice (pour un montant x) est comptabilisée au passif du bilan en « Fonds reportés liés aux legs ou donations » avec pour contrepartie une charge présentée en « Reports en fonds reportés » (ANC, règlt 2018-06, art. 213-12).
Écriture chez A si une partie des ressources n’est pas encore encaissée ou transférée à la clôture
6891 Reports en fonds reportés x 191 Fonds reportés liés aux legs ou donations x
Comptabilisation des legs particuliers dans les comptes des associations B et C
Les associations B et C comptabilisent, à la date d’acceptation du legs particulier par leurs organes compétents (ou à la date à laquelle la délivrance aura volontairement été consentie par le légataire universel, ou au jour de la demande de délivrance si celle-ci est postérieure) (ANC, règlt 2018-06, art. 213-5, 213-7 et 213-9) :
-le legs particulier qui leur est consenti, à l’actif du bilan en tant que « Créances reçues par legs ou donation » ;
-par la contrepartie d’un compte de produit de legs (en l’absence de stipulation du testateur de renforcer les fonds propres de l’entité).
Les écritures comptables correspondantes sont donc, en principe, les suivantes :
Écriture chez B ou C à la date d'acceptation
461 Créances reçues par legs ou donation 700 (B) ou 800 (C) 75432 Produit de legs 700 (B) ou 800 (C)
Le cas échéant, la partie des ressources qui n’est pas encore encaissée ou transférée à la clôture de l’exercice est comptabilisée au passif du bilan en « Fonds reportés liés aux legs ou donations » (voir ci-avant) (ANC, règlt 2018-06, art. 213-12).
Cohérence d'ensemble
Au final, les « créances sur legs et donations » comptabilisées par chacun des légataires particuliers sont réciproques avec la dette comptabilisée par le légataire universel à ce titre.
Les montants de legs comptabilisés en produits par les trois associations représentent, ainsi, l’actif net de la succession (soit 3,5 M€ + 0,7 M€ + 0,8 M€ = 5 M€).
Comptabilisation, par une association, d'un legs reçu à titre universel
Actif net successoral légué à 3 associations
Au cours de l’exercice N, 3 associations reçoivent chacune un legs à titre universel représentant une quotité de l’actif net successoral évalué à 5 M€ :
-l'association A reçoit 70 % de l’actif net successoral, soit 3,5 M€ ;
-les 2 autres associations reçoivent 15 % chacune de l'actif net successoral, soit 750 K€ chacune.
Comment les associations bénéficiaires doivent-elles comptabiliser les legs à titre universel reçus dans leurs comptes annuels ?
Comptabilisation de la quote-part stipulée dans le testament
Les 3 associations bénéficiaires du legs ayant le statut de légataire à titre universel (voir ci-avant), en l’absence de conditions suspensives à la délivrance, chacune d'entre elles comptabilise, à la date d’acceptation par son organe compétent (ou à la date de jouissance si celle-ci est postérieure) (ANC, règlt 2018-06, art. 213-5, 213-7, 213-8 et 213-9) :
-la quote-part des actifs et passifs composant l’actif net successoral qui lui revient selon l’affectation testamentaire (respectivement 70 %, et 15 % dans les 2 autres cas) ;
-par la contrepartie d’un produit de l’exercice, sauf stipulation du testateur d’une volonté de renforcer les fonds propres des associations bénéficiaires.
Écriture chez l'association A à la date d'acceptation
213 Constructions 3,5 75432 Produit de legs 3,5
Quand bien même la fraction reçue par l'association A est « majoritaire » au regard de celles attribuées aux autres légataires à titre universel, elle comptabilise la seule fraction de la succession qui lui a été attribuée, et non la totalité du legs et des dettes envers les autres légataires, comme dans le cas examiné précédemment (voir ci-avant).
Le legs à titre universel n’entraîne pas la comptabilisation de dettes et créances réciproques entre les bénéficiaires.
Le cas échéant, la partie du legs constatée en produit de l’exercice qui n’est pas encore encaissée ou transférée à la date de clôture (pour un montant x) est comptabilisée au passif du bilan en « Fonds reportés liés au legs ou donations », avec pour contrepartie une charge présentée en « Reports en fonds reportés » (voir ci-avant) (ANC, règlt 2018-06, art. 213-12 et 213-13).
Ces sommes font, alors, l’objet d’une reprise au compte de résultat au cours des exercices suivants, au fur et à mesure que le legs se réalise, via le compte « Utilisations de fonds reportés » (pour un montant y qui peut varier).
Les écritures comptables correspondantes sont, à notre avis, les suivantes :
Écriture au 31 décembre N si une partie des ressources n’est pas encore encaissée ou transférée à cette date
6891 Reports en fonds reportés x 191 Fonds reportés liés au legs ou donations x Écriture au 31 décembre N+1 et à la clôture des exercices suivants (le montant repris peut varier)
191 Fonds reportés liés au legs ou donations y 7891 Utilisations de fonds reportés y
Cohérence d'ensemble
Au global, la somme des montants de legs comptabilisés par les 3 associations est représentative de l’actif net de la succession.
Une association, légataire universel, qui doit (re)verser des legs particuliers à d'autres associations comptabilise ceux-ci comme des passifs, en « autres dettes ».
Elle enregistre un produit pour le montant de l'actif net successoral moins ces legs particuliers à reverser.
Les associations bénéficiaires des legs particuliers comptabilisent ces derniers à l’actif du bilan en tant que « créances reçues par legs ou donation », par la contrepartie d’un compte de produit de legs.
A contrario, une association légataire à titre universel comptabilise la seule fraction de l'actif net successoral qui lui revient selon le testament.