Quelles conditions générales pour sécuriser les missions de l’expert-comptable ?
De nombreuses questions émanant des experts-comptables en matière de conditions générales de leurs lettres de missions, auprès du Conseil Supérieur de l’Ordre des experts-comptables (CSOEC) et de leurs conseils régionaux, ont été recensées ces dernières années. Elles ont amené la Commission juridique du CSOEC à présenter, dans le cadre d’une conférence « Flash métier » du 76e congrès de l’Ordre des experts-comptables qui s'est tenu en octobre dernier à Bordeaux, ses recommandations en la matière ainsi que les outils mis à disposition afin de sécuriser l’expert-comptable dans le cadre de ses missions.
Des exemples pratiques sont également donnés. Une interview de Corinne Renart, présidente de la Commission juridique du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables et Florence Hauducoeur, membre de cette Commission, complète cet article.
Des conditions générales intégrées ou jointes à la lettre de mission
Ce n'est pas obligatoire...mais fortement recommandé
Ainsi que le rappelle la Commission juridique du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables (CSOEC), les conditions générales ne relèvent ni d’une obligation juridique, ni d’une obligation déontologique. Toutefois, elles sont vivement recommandées pour clarifier les relations entre l’expert-comptable et son client.
Les conditions générales sont des éléments du contrat et doivent, de préférence, être rédigées afin de déterminer les modalités d’exercice qu’aura l’expert-comptable avec son client. Elles peuvent être jointes ou intégrées à la lettre de mission.
Parmi les conditions générales, peuvent être cités, par exemple :
-les obligations de l’expert-comptable versus les obligations de son client ;
-le mode de détermination des honoraires (mention obligatoire) ;
-les conditions de paiement (mention obligatoire) ;
-la question de la responsabilité civile ;
-les conditions de suspension ou de résiliation de la mission ;
-les modalités de résolution des différends entre l’expert-comptable et son client.
Exemples de conditions générales, à adapter selon les cas
Le Conseil supérieur a rédigé trois exemples de conditions générales à disposition de l’expert-comptable, à adapter selon la qualité de son client :
-le client professionnel ;
-le client non professionnel ;
-le client consommateur (particulier).
Le client non professionnel est un cas rare, en pratique, car cela sous-entend qu'il s'agisse d’une personne morale qui agit à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité libérale, agricole, industrielle, commerciale ou artisanale. Le CSOEC cite l’exemple jurisprudentiel de la SCI.
Ces exemples ont été mis à jour en janvier dernier et sont disponibles dans la partie privée du site du CSOEC (https://www.experts-comptables.fr ).
Focus sur les 4 clauses majeures aménageables par l'expert-comptable et son client
La Commission juridique détaille les quatre clauses majeures suivantes pouvant faire l’objet d'adaptation au client.
Les deux premières clauses suivantes ne pourront pas faire l’objet d’aménagements pour un client non professionnel ou un particulier.
Clause sur l’engagement de la responsabilité civile professionnelle de l’expert-comptable
En cas de litiges avec un client, est-il possible de limiter par une clause le montant de l’indemnité que le client est susceptible de réclamer à l'expert-comptable ?
Selon la Commission juridique, la réponse est affirmative.
La Commission indique, à ce titre, que certains cabinets fixent ce montant en fonction du montant de la couverture d'assurance minimum. D’autres cabinets fixent ce montant en nombre d’années d’honoraires. Dans cette seconde hypothèse, fixer ce montant en nombre d'années d'honoraires encaissés peut être une mesure prudente.
Clause de prescription ou de forclusion limitant la responsabilité de l’expert-comptable dans le temps
Est-il possible qu’à un moment le client ne puisse plus engager la responsabilité de l’expert-comptable ?
Pour répondre à cette question, la Commission précise la différence entre les délais de prescription et de forclusion.
Une clause de forclusion peut fixer un délai à 3 mois. Dans cette hypothèse, le client disposerait de 3 mois pour engager la responsabilité de l’expert-comptable.
L'expert-comptable devra, à cet égard, se montrer raisonnable dans le délai fixé pour ne pas risquer de voir requalifier cette clause en clause réputée non écrite par le juge.
Il pourrait, en effet, s'agir d'une clause qui déséquilibrerait considérablement la situation dans laquelle se trouvent les parties au contrat (la lettre de mission), à savoir l'expert-comptable et son client.
Clause en cas de rupture de la mission par le client
En cas de rupture de la mission initiée par le client, l’expert-comptable va s’interroger, en premier lieu, sur le respect par celui-ci du délai de préavis.
La Commission relève, ici également, qu'il n’y a pas de règles fixées en la matière et que l’expert-comptable devra se montrer raisonnable. Le délai de préavis a en général pour point de départ du calcul la clôture de l’exercice.
Dans le cas d’un client qui clôture son exercice au 31 décembre avec un délai de préavis de 3 mois qui serait fixé dans les conditions générales, si celui-ci souhaitait rompre la mission de l'expert-comptable, il devrait le signaler avant le 30 septembre, soit 3 mois avant la date de la clôture.
Cette clause prévoit également le montant d’indemnité lorsque le client ne respecte pas ce préavis. Encore une fois, ce montant est laissé à l’appréciation de l’expert-comptable.
Cette indemnité pourra prendre la forme d’un montant forfaitaire, d'un nombre de mois d’honoraires, d'un pourcentage du montant annuel d’honoraires.
Clause en cas de conciliation auprès du Conseil régional de l'Ordre (CRO)
En cas de contestation par le client des conditions d'exercice de la mission ou de différend sur les honoraires, l'expert-comptable doit s’efforcer de recourir à la conciliation ou à l’arbitrage du président du conseil régional de l’Ordre des experts-comptables avant d’agir en justice (décret 2012-432 du 30 mars 2012, art. 159).
Comment donner « force exécutoire » aux conditions générales ?
Un processus doit être mis en place au sein du cabinet pour matérialiser l’acceptation des conditions générales par le client. Faire signer les conditions générales par le client permet de leur donner force de loi.
En pratique, chez certains clients qui n’ont pas de service juridique (clientèle classique d’un cabinet d’expertise comptable), cette matérialisation pourra, néanmoins, s'avérer difficile à obtenir.
Astuce de la Commission juridique
La Commission conseille d'insérer une mention dans la lettre de mission, indiquant que les conditions générales font partie de la lettre de mission et que la signature de cette dernière emporte l’adhésion du client aux conditions générales.
Dans le cas où sont effectuées une ou des missions complémentaires à la mission initiale, nécessitant une rapidité d’exécution, une nouvelle adhésion aux conditions générales ne sera (en général) pas nécessaire. Dans ce contexte, selon la Commission juridique, un mail pourra suffire entre l'expert-comptable et son client.
Enfin, des dérogations aux conditions générales pourront être prévues dans la lettre de mission.
Les conditions générales ne relèvent ni d’une obligation juridique, ni d’une obligation déontologique. Toutefois, les intégrer ou les joindre à la lettre de mission est vivement recommandé.
Elles sont des éléments du contrat liant l'expert-comptable à son client et doivent, de ce fait, être formulées de manière écrite.
La rédaction des conditions générales est à adapter selon la qualité du client (professionnel ou non professionnel, particulier).
Seules certaines clauses sont adaptables et peuvent faire l'objet d'aménagements.
L'acceptation des conditions générales de vente doit être matérialisée pour leur donner « force de loi ».