Mise à jour des données nécessaires aux missions d’évaluation d’entreprises
Michel Ternisien
économiste, membre du Collège des experts en évaluation d’entreprises de la CCEF
L’Observatoire de la Compagnie des conseils et experts financiers (CCEF) portant sur les taux d’actualisation et les multiples de valorisation a mis à jour au 30 juin 2021 les données concernant le coût du financement en fonds propres et les coefficients de risque par secteur d’activité nécessaires à la réalisation des missions d’évaluation des professionnels de l’évaluation.
Mise à jour des données requises pour les missions d’évaluation
L’Observatoire de la Compagnie des conseils et experts financiers (CCEF) portant sur les taux d’actualisation et les multiples de valorisation a mis à jour, au 30 juin 2021, les deux types d'information suivants, nécessaires à la réalisation des missions d’évaluation d’entreprises par les professionnels de l’évaluation :
-le coût du financement en fonds propres (encore appelé « coût du capital ») ;
-et les coefficients de risque par secteur d’activité à partir des coefficients bêtas à dette nulle (unlevered beta).
Les travaux de l’Observatoire des valorisations visent à aider les professionnels dont le métier est de valoriser des entreprises de petite ou de moyenne taille et qui n’ont pas accès au marché financier.
Le coût du financement en fonds propres pour la France entière
Rappel de la méthodologie
La donnée la plus essentielle pour la détermination du taux d’actualisation est le coût du financement en fonds propres des entreprises (ou « coût du capital »).
Pour déterminer ce coût pour la France entière, le groupe de travail de l’Observatoire a utilisé un modèle comportant les bases suivantes :
-les données proviennent des sociétés figurant au CAC 40, à l’exclusion du secteur des « banques et assurances » ;
-le modèle est prévisionnel et détermine les cash flows futurs revenant aux actionnaires ;
-les cash flows futurs de chaque société sont confrontés à leur capitalisation boursière. Cette confrontation permet de déterminer le taux d’actualisation qui égalise les deux données (somme des cash flows versus capitalisation boursière).
Ce taux d’actualisation n’est autre que le coût du capital. La moyenne pondérée des différents taux obtenus pour chacune des entreprises permet de calculer le coût du financement en fonds propres pour l’ensemble du marché financier.
Taux actualisés au 30 juin 2021
Le coût du capital a été évalué par l’Observatoire de la CCEF au 30 juin 2021 à 7,37 % contre 8,00 % au 31 décembre 2020, ce qui représente une diminution de 0,63 point sur six mois.
Cette actualisation corrobore la première estimation effectuée en février dernier au titre de laquelle le taux avait été estimé à 8 % pour 2021 (voir RF Comptable 492, avril 2021, « Taux d’actualisation et multiples de valorisation pour 2021 » ; Convergence, hors-série n° 8, février 2021).
Tableau 1 – Évolution semestrielle du coût du financement en fonds propres en France | ||
---|---|---|
30 juin 2021 | 31 décembre 2020 | Variation |
7,37 % | 8,00 % | – 0,63 % |
Précisons que les calculs ont été effectués sur des sociétés cotées dont les titres sont actifs (ou liquides si l’on préfère) et qui opèrent sur le marché boursier du CAC 40 (voir ci-avant).
Bien entendu, si l’on souhaite obtenir le coût des fonds propres pour une PME non cotée, il est nécessaire de tenir compte d’un certain nombre d'éléments additionnels tels que : le risque sectoriel, l’endettement financier net de la trésorerie et l’absence de liquidité des titres de la PME (Convergence, hors-série n° 8, février 2021).
Ceci précisé, le taux de 7,37 % obtenu pour le 30 juin 2021 est essentiel car il constitue le point de départ du calcul du coût des fonds propres et du coût moyen des capitaux investis pour les sociétés, qu’elles soient cotées ou non.
Les marchés financiers gardent confiance dans l’avenir
Le tableau 1 ci-dessus fait apparaître une baisse du coût du capital de 0,63 point, mais quelle en est la signification ?
En fait, elle reflète une certaine confiance de la part des marchés financiers et ce, malgré la crise sanitaire qui sévit maintenant depuis mars 2020.
Ce relatif optimisme résulte, pour une grande partie, de la progression de la vaccination en France qui se renforce et laisse augurer des jours meilleurs, même si des tensions persistent pour une partie de la population concernant l’efficacité des vaccins.
La progression de la vaccination met en évidence le lissage de vagues de confinement qui auraient comme conséquences de freiner l’activité du pays et de ralentir la création de richesses et d’emplois.
Le taux sans risque en France est en lente progression
Ce taux demeure faible… mais augmente néanmoins
Le coût du financement (7,37 %) se compose de deux éléments : le taux sans risque, d’une part, et la prime de risque du marché des actions, d’autre part.
Le taux sans risque correspond au taux de rendement d’une Obligation Assimilable du Trésor (OAT) émise sur une durée de 10 ans par l’État pour financer son déficit budgétaire. On le dit « sans risque » car l’emprunteur est classé sans risque de défaut (c’est le cas des instruments financiers émis par la France).
La CCEF a estimé au 30 juin 2021 ce taux sans risque à 0,15 % contre – 0,34 % au 31 décembre 2020.
Tableau 2 – Évolution du taux sans risque en France | ||
---|---|---|
30 juin 2021 | 31 décembre 2020 | Variation |
0,15 % | – 0,34 % | + 0,49 % |
On remarquera que le taux sans risque demeure, certes, faible (0,15 %) mais est, néanmoins, en progression si on le compare avec le semestre dernier (+ 0,49 point de différentiel).
Quelles conclusions en tirer ?
Cette progression peut apparaître comme minime pour un observateur non averti ; pourtant, en réalité, ce taux est à surveiller car il signifie que la France risque de financer son déficit sur la base de taux d’intérêt qui, dans l’avenir, progresseront, alors que le « quoi qu’il en coûte », annoncé et mis en œuvre par le gouvernement, va continuer à engendrer des besoins de financement très importants au niveau national (ce principe du « quoi qu’il en coûte » a d'ailleurs tout récemment été revu par le ministre de l'économie et des finances).
C’est donc une donnée qu’il va falloir suivre de près, surtout si les tensions inflationnistes s’accentuent dans les mois à venir.
Quelle est la prime de risque du marché des actions en France ?
Ses modalités de calcul
La prime de risque du marché des actions considéré dans son ensemble est la seconde composante du coût des fonds propres. Elle est calculée par la différence entre le coût du financement en fonds propres et le taux sans risque.
Cette différence représente le risque moyen que supporte le détenteur d’une action comparé au risque supporté par celui qui détient une obligation d’État.
Ceci est vrai si la volatilité des actions dans son ensemble est proche de 1 et est vérifié pour les sociétés du CAC 40 dont les titres sont liquides sur un marché lui-même liquide, ce qui est le cas du CAC 40 pris comme base de référence des calculs.
Mais ce risque est lié à une condition : l’investisseur doit pouvoir se diversifier, c’est-à-dire pouvoir, à tout moment, acheter ou vendre d’autres titres.
Taux au 30 juin 2021
Le coût des fonds propres étant de 7,37 % et le taux sans risque de 0,15 % (voir ci-avant), la prime de risque du marché des actions en France s’élève donc à 7,37 % – 0,15 % = 7,22 %. Comme le montre le tableau 3 présenté ci-après, la prime de risque du marché des actions en France est en diminution de 1,12 % par rapport au semestre précédent.
Tableau 3 – Évolution de la prime de risque du marché des actions en France | ||
---|---|---|
30 juin 2021 | 31 décembre 2020 | Variation |
7,22 % | 8,34 % | – 1,12 % |
Ainsi, la diminution du coût du financement en fonds propres (– 0,63 %) résulte de deux phénomènes :
-la progression du taux sans risque (+ 0,49 %) ;
-la diminution de la prime de risque (– 1,12 %).
Que signifie cette diminution de la prime de risque du marché des actions ?
Elle est le reflet, malgré le contexte économique et social difficile, d’une certaine confiance des marchés dans la sortie de la crise sanitaire.
Les risques sectoriels
La CCEF a également mis à jour, dans la seconde série de données, les risques sectoriels, en calculant la volatilité des actions sur 17 secteurs d’activité. Il s’agit des coefficients bêtas à dette nulle.
Rappels
Le coefficient bêta (ou bêta / ß) d’un titre financier est un coefficient de volatilité ou de sensibilité indiquant la relation qui existe entre les fluctuations de la valeur du titre concerné et les fluctuations du marché. Il détermine donc le niveau de sensibilité d’un actif ou d’un portefeuille par rapport à son marché de référence et se calcule comme le ratio de la covariance entre la rentabilité d’un portefeuille (Rp) et celle du marché (Rm), par la variance de la rentabilité implicite du marché (Rm) : coefficient bêta = [Cov (Rp, Rm)] / Var (Rm) (voir RF Comptable 492, avril 2021 « Taux d’actualisation et multiples de valorisation pour 2021 »).
La connaissance de ces paramètres est importante car ils viennent amplifier ou diminuer le niveau de la prime de risque (qui s’établit à 7,22 % au 30 juin 2021 ; voir ci-avant). Pour bien comprendre ce point, il suffit de mentionner que le secteur « Automobile et pièces de rechange », qui connaît aujourd’hui une crise profonde, fait apparaître un bêta à dette nulle de 1,11, alors que celui du secteur « Nourriture et Boissons » est de 0,48.
En conclusion, ces données mises à jour par la CCEF sont essentielles pour les professionnels de l’évaluation. Elles permettent, notamment, de construire de manière rationnelle et argumentée des paramètres qui interfèrent de manière significative dans la détermination de la valeur d’entreprise. Ces données peuvent constituer des points de repère dans une période économique et sociale dégradée où les incertitudes subsistent.
Au terme de sa démarche, l’Observatoire de la CCEF parvient à un coût du capital de 7,37 % au 30 juin 2021 contre 8 % au 31 décembre 2020.
Outre les calculs de risques sectoriels, l’étude fait ressortir une prime de risque du marché des actions en France à 7,22 % (contre 8,34 % au 31 décembre 2020).