4 - Attestation particulière : un nouveau guide de l'Ordre des experts-comptables
Michaël Fontaine
Hélène Parent
vice-président du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables, président de la commission des normes professionnelles
directrice de la commission des normes professionnelles du CSOEC
Le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, après d’importants travaux débutés en 2014 sur le référentiel normatif des experts-comptables, a publié en octobre 2016 un nouveau recueil des normes. Dans ce cadre, la NP 3100 sur les attestations particulières a fait l’objet d’une révision en profondeur. Cette norme, dorénavant intitulée « Norme professionnelle applicable aux missions d’assurance sur des informations autres que des comptes complets historiques (attestations particulières) », introduit des concepts inédits, offre à l’expert-comptable la possibilité de participer à l’élaboration de l’information attestée, propose une méthodologie et, enfin, prévoit l’émission d’un rapport stipulant clairement le niveau d’assurance.
Le guide « La mission d’attestation, en pratique » élaboré par le Conseil supérieur, paru en décembre dernier, a vocation à accompagner les experts-comptables dans ce type de missions.
Les textes applicables aux missions particulières
La mission d’attestation particulière s’inscrit parmi les autres missions d’assurance de l'expert-comptable. Le nouveau titre de la norme « norme professionnelle applicable aux missions d’assurance sur des informations autres que les comptes complets historiques » caractérise bien son positionnement dans le cadre de référence des missions de l’expert-comptable (voir schéma ci-après).
LA MISSION D'ATTESTATION, EN PRATIQUE
Le guide de l'Ordre des experts-comptables, collection « pratique professionnelle », est disponible en téléchargement gratuit sur Bibliordre (accès privé/expert-comptable) et en vente à la boutique experts-comptables (www.boutique-experts-comptables.com).
Il est rappelé que cette mission, en sus des dispositions de la norme qui lui sont propres, doit respecter, comme toute mission réalisée par un expert-comptable, les dispositions générales prévues par l’ordonnance du 19 septembre 1945, le code de déontologie de la profession, la norme professionnelle relative à la maîtrise de la qualité et son annexe la norme anti-blanchiment.
Spécificités de la mission d'attestation particulière
Afin de bien comprendre la philosophie de cette norme et de savoir comment la mettre en œuvre, il est utile d’intégrer certains concepts.
La notion d'« objet considéré » dont le client est responsable
Le processus d’attestation débute ainsi :
-l’entité dispose d’un « objet » dont elle est responsable. Le terme propre utilisé dans la norme est « objet considéré ». Cette notion est nouvelle et centrale dans la démarche d’attestation ;
-sur cet objet, l’expert-comptable dispose d’une information (assertion, affirmation, mesure ou évaluation) sur laquelle est demandée une attestation ;
-l’expert-comptable dispose de critères sur lesquels il va s’appuyer pour contrôler l’information à attester.
L’objet considéré peut prendre diverses formes : une situation financière historique, une situation non financière, des caractéristiques physiques, des systèmes et processus, des pratiques... En fonction des besoins de l’entité, il peut être sujet à de nombreuses attestations. Tout dépend du contexte, du besoin, de la situation…
Pour le chiffre d’affaires, il peut être demandé d’attester le chiffre d’affaires réalisé dans tel magasin, avec tel client, par tel vendeur, sur une période et un périmètre définis…
Les parties prenantes
La mission d’attestation fait intervenir cinq parties ayant un rôle propre :
-le client : partie qui sollicite la mission ;
-la partie responsable : partie responsable de l’objet considéré ;
-le chargé de mesure ou d’évaluation : partie qui mesure ou évalue l’objet considéré à l’aide de critères. Il établit l’information qui fera l’objet du rapport d’assurance ;
-la structure et le responsable de la mission : parties qui émettent l’assurance à l’issue de leurs travaux ;
-les utilisateurs visés : parties intéressées par le rapport.
Le chargé de mesure ou d'évaluation
Revenons sur le chargé de mesure ou d’évaluation, notion peu habituelle utilisée dans la norme.
Le chargé de mesure ou d'évaluation est la partie en charge de la description, de l’évaluation ou de la mesure de l’objet considéré au regard de critères. La partie responsable de l’objet considéré et celle de son évaluation peuvent tout à fait être les mêmes ou deux parties différentes. Dans la pratique, trois parties peuvent remplir ce rôle : le client lui-même, un tiers (avocat, actuaire, expert…) à la demande du client, ou l’expert-comptable.
Attestation « directe » ou « indirecte »
Lorsque l'expert-comptable est le chargé de mesure ou d'évaluation, il contribue à l’information qu’il attestera par la suite. Dans cette situation, on est dans le cadre d’une mission d’attestation « directe ». À l’inverse, lorsqu’il n’a pas contribué à l’information attestée, quel qu’en soit l’auteur, on est dans le cadre d’une mission d’attestation « indirecte ».
La distinction est importante, car les diligences et le rapport de fin de mission établi par l’expert-comptable seront différents en fonction de la configuration de la mission.
Les critères à retenir dans le cadre d'une attestation
Pour que l’expert-comptable puisse émettre son opinion, il doit disposer de critères appropriés. Ces critères correspondent aux références et aux sources utilisées par le professionnel pour lui permettre de valider l’information sur l’objet.
Par exemple, si la mission porte sur le chiffre d’affaires réalisé par une entité sur une période donnée, les critères utilisés pour attester le montant du chiffre d’affaires seront issus d’un référentiel comptable (règles de comptabilisation à respecter).
D'une façon générale, lorsque l’information à attester est en lien avec les comptes, les critères utilisés sont le référentiel comptable. Lorsqu’elle est de nature juridique, les critères utilisés seront en principe les différentes sources juridiques internes de l’entreprise (statuts, décision d’assemblée générale ou de conseil d'administration, règlement intérieur, accords d’entreprise, contrats de travail…), mais également les textes légaux ou réglementaires applicables (code de commerce, code du travail…).
Les critères que l’expert-comptable envisage d’utiliser doivent être adaptés au contexte de la mission, mais aussi pertinents, exhaustifs, fiables, neutres et intelligibles.
Le niveau d’assurance et le rapport d'attestation
Deux niveaux d’assurance : modéré ou raisonnable
La norme prévoit deux niveaux d’assurance : modéré ou raisonnable. Selon le contexte de la mission et, notamment, du niveau de garantie nécessaire, l’expert-comptable définira avec le client, avant de réaliser la mission, le niveau d’assurance qui devra être exprimé dans le rapport.
Les missions d’assurance sur des informations autres que des comptes complets historiques (attestations particulières) ne font pas l’objet d’une approche aussi encadrée que les missions d’assurance sur les comptes complets historiques. Le professionnel choisit parmi un ensemble de techniques, qu’elles soient dédiées généralement à l’assurance modérée (travaux analytiques...) ou à l’assurance raisonnable (confirmations externes…).
Tout en faisant appel à ces techniques de contrôle et à son jugement professionnel, il réalise les travaux les plus appropriés pour fonder son opinion. Il tient compte d’un ensemble d’éléments, notamment : l’entité même et son contrôle interne, l’objet considéré et l’information attestée, l’appréciation du risque d’anomalies, le niveau d’assurance prévu et les éléments probants disponibles.
À savoir
Il est toutefois important de souligner que si l’objet considéré n’est pas approprié pour une mission d’assurance de niveau raisonnable, il ne l’est pas non plus pour un niveau d’assurance modéré.
Les rapports d'attestation
À l’issue de ses travaux, l’expert-comptable émet son rapport. La norme liste les éléments à mentionner et présente la formulation devant être utilisée selon que le niveau d’assurance exprimé est modéré, conclusion sous la forme négative, ou raisonnable, conclusion sous la forme positive.
Des exemples de rapport d’attestation directe et indirecte, avec les différentes possibilités de conclusion (favorable, avec réserve(s), défavorable ou impossibilité de conclure), sont fournis en annexe à la norme.
Rapports particuliers
Deux cas particuliers sont envisagés dans la norme :
-un cas dérogatoire, avec le rapport de concordance (articles 11 et 31 de la norme précitée) ;
-le rapport imposé par un texte légal ou réglementaire (articles 25 et 32 de la norme précitée).
Cas dérogatoire : le rapport « de concordance »
Le cas dérogatoire concerne les attestations sur une information financière disponible en lecture directe dans des comptes annuels ou intermédiaires ayant fait l’objet d’une mission d’assurance par le même expert-comptable (mission de présentation, d’examen limité ou d’audit). Dans ce cadre, un rapport « de concordance » plus succinct est émis.
Cette situation dérogatoire engendre deux différences essentielles par rapport à une mission d’attestation classique :
-le confrère n’a pas de diligences particulières à mettre en œuvre dans la mesure où il ne fait qu’attester une information qu’il a déjà attestée par le passé ;
-un rapport particulier est à établir dans lequel il est clairement mentionné que la mission d’attestation entre dans ce cas dérogatoire et en rappelle les conditions.
Un exemple est fourni en annexe à la norme.
Missions liées à des textes légaux ou réglementaires
Certaines attestations sont liées à des textes légaux ou réglementaires qui prévoient la production d’une attestation dans un contexte particulier.
Dans une telle hypothèse, trois situations sont à envisager :
-si le texte légal ou réglementaire à l’origine de la mission n’impose pas de rapport particulier, alors la norme professionnelle NP 3100 s’applique. Le rapport est établi conformément à son article 30 ;
-si ce texte légal ou réglementaire impose un rapport particulier comprenant, au minimum, les informations prévues à l’article 30 de la NP 3100, alors le rapport de fin de mission fait référence à cette norme ;
-si ce texte légal ou réglementaire impose un rapport particulier ne comprenant pas toutes les informations prévues à l’article 30 de la NP 3100, alors le rapport de fin de mission ne fait pas référence à cette norme.
Exemple : attestation sur l’utilisation des fonds versés dans le cadre d’un projet dans une association | |
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Objet considéré | Subvention reçue par une association de la part d’une collectivité pour financer un projet |
Exemples d’informations sur l’objet considéré à attester | Montant des coûts engagés par l’association sur le projet financé par la subvention à une date donnée Utilisation effective des fonds par l’association en conformité avec le cahier des charges du projet |
Exemples de critères | Cahier des charges et/ou la convention signée avec la collectivité qui subventionne |
Le guide fournit tout au long de son exposé des exemples pratiques.
Depuis le 1er octobre 2016, la nouvelle version de la NP 3100 ouvre le champ d’intervention de l’expert-comptable, tout en étant plus adaptée à son rôle dans la PME/TPE.
Le guide de l'Ordre, à vocation pédagogique, fournit les clés pour mieux appréhender ces missions.
Le « chargé de mesure ou d’évaluation » peut être l'expert-comptable, le client ou un tiers.
L'attestation est « directe » lorsque le chargé de mesure ou d’évaluation est l'expert-comptable lui-même : il contribue à l’information qu’il attestera ensuite.