Pratique comptable
Indemnités de fin de carrière : les nouvelles règles de calcul
Une nouvelle fois, le régime social des indemnités versées aux salariés lors de leur départ en retraite a été modifié par la loi de financement de la sécurité sociale. Ces modifications ont un impact sur le calcul du montant des engagements de retraite qu'il y a lieu d'effectuer à la clôture de l'exercice, que l'entreprise provisionne ou non cet engagement. Nous faisons le point sur les évolutions récentes en ce domaine ainsi que sur le traitement comptable à appliquer à la prise en compte des nouveaux paramètres d'évaluation.
De nouvelles dispositions légales
Depuis plusieurs années, l'objectif constant du législateur a été d'accroître le taux d'activité des seniors. Pour ce faire, les modalités de départ en retraite des salariés ont été profondément modifiées.
La loi Fillon 2003-775 du 21 août 2003 a porté l'âge légal de mise à la retraite à l'initiative de l'employeur de 60 à 65 ans ; une dérogation à cette règle était ouverte dans le cas d'une convention ou d'un accord collectif étendu conclu avant le 1er janvier 2008. Cette faculté comportait toutefois certaines restrictions (l'intéressé devait pouvoir prétendre à une pension de vieillesse à taux plein, et l'accord devait prévoir des contreparties en terme d'emploi et de formation professionnelle).
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a supprimé cette dérogation ; ainsi, aucune convention ou accord collectif prévoyant la mise à la retraite d'office d'un salarié à un âge inférieur à 65 ans ne peut être signé ou étendu depuis le 23 décembre 2006. Cette loi précise que les accords existants cesseront de produire leurs effets après le 31 décembre 2009.
Cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 prévoyait, par ailleurs, un régime transitoire sur la période allant du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2014. Ce régime était ouvert aux entreprises couvertes par une convention ou un accord collectif étendu avec possibilité d'une mise à la retraite d'office par l'employeur à partir de 60 ans dans les conditions prévues par la loi Fillon. Ce régime prévoyait le versement d'une indemnité du même montant que l'indemnité de mise à la retraite avec, pour une certaine fraction, une exonération de cotisations de sécurité sociale et d'impôt sur le revenu. Cette indemnité était toutefois assujettie à la CSG et à la CRDS.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 alourdit encore le coût des départs à la retraite en instituant, à la charge de l'employeur, une contribution sur les indemnités versées en cas de mise à la retraite d'un salarié à l'initiative de l'employeur.
Cette contribution est de 50 %, limitée à 25 % pour les indemnités versées du 11 octobre 2007 au 31 décembre 2008 et s'applique quel que soit l'âge du salarié (mise à la retraite avant ou après 65 ans).
Par ailleurs, le mécanisme du départ négocié à la retraite (voir ci-avant régime transitoire de 2010 à 2013 inclus) a été purement et simplement supprimé avant même d'avoir vu le jour.
Incidence sur le calcul de l'engagement
Qui prend l'initiative ?
-> Lorsque le départ en retraite est à l'initiative du salarié, l'indemnité est intégralement soumise aux cotisations de sécurité sociale, à la CSG et à la CRDS (ajoutons l'assujettissement à l'impôt sur le revenu au-delà de 3 050 €).
Si le départ à la retraite intervient dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'indemnité est intégralement exonérée d'impôt et de cotisations de sécurité sociale. Elle est assujettie à la CSG et à la CRDS au-delà du minimum légal ou conventionnel.
-> Lorsque le départ à la retraite est à l'initiative de l'employeur, l'indemnité est exonérée de cotisations de sécurité sociale et d'impôt sur le revenu dans certaines limites et assujettie à la CSG et à la CRDS pour la fraction qui excède le minimum légal ou conventionnel.
Incidences des nouveaux textes
La combinaison des différents textes législatifs exposés plus haut aura des impacts sur :
- le comportement des salariés et des entreprises (tant sur le mode de départ que sur l'âge de départ) ; en effet, entre 60 et 65 ans, seul un départ en retraite à l'initiative du salarié est envisageable ;
- le montant brut de l'indemnité versée (l'indemnité de départ volontaire sera plus fréquente que l'indemnité de mise en retraite alors que son montant est plus faible) ;
- l'assujettissement de l'indemnité aux cotisations sociales ainsi qu'à la nouvelle contribution résultant de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Concrètement, l'engagement va évoluer :
- à la hausse, du fait de l'inclusion des charges sociales et de la nouvelle contribution ;
- à la baisse, du fait d'une proportion plus importante d'indemnités de départ à la retraite que d'indemnités de mise à la retraite (la première étant moins élevée que la seconde) ;
- à la baisse et à la hausse du fait du recul de l'âge de départ des salariés ; en effet, le montant sera plus faible de par le mécanisme de l'actualisation, mais plus important du fait de droits acquis supérieurs.
Il convient donc de réestimer l'engagement à la lumière de ces modifications législatives et de leur impact financier.
Comptabilisation de l'engagement
Rappel : provisionnement non obligatoire
Les entreprises sont tenues d'évaluer leurs engagements relatifs aux indemnités de fin de carrière qu'elle doivent verser au départ à la retraite de leurs salariés ; cet engagement peut être inscrit au bilan sous forme d'une provision mais il peut faire l'objet d'une simple information dans l'annexe [voir Dictionnaire comptable et financier 2008, rubrique « Retraite (engagements de) »].
Comptabilisation de l'incidence des nouveaux textes
Les dispositions d'IAS 19 - Pour les entreprises qui comptabilisent leurs engagements en matière d'IFC conformément à IAS 19 ou la recommandation du CNC 2003-R-01, les modifications affectant la provision doivent être analysées afin de déterminer s'il s'agit d'un changement de régime ou de changements d'hypothèses actuarielles.
Rappelons que la norme IAS 19 définit de la façon suivante ces deux concepts. Le coût des services passés désigne l'accroissement de la valeur actuelle de l'obligation au titre des prestations définies pour des services rendus au cours d'exercices antérieurs, résultant de l'introduction d'un nouveau régime (...) ou de changements apportés au cours de l'exercice à un tel régime (IAS 19 § 7).
Le coût des services passés est constaté en charges selon un mode linéaire, sur la durée moyenne restant à courir jusqu'à ce que les droits correspondants soient acquis au personnel. Lorsque ces droits sont acquis lors de la modification du régime, l'entreprise doit comptabiliser immédiatement le coût des services passés.
Les écarts actuariels incluent (IAS 19 § 7) :
- les ajustements liés à l'expérience (...),
- les effets des changements d'hypothèses actuarielles.
Les écarts actuariels sont comptabilisés, au choix de l'entreprise, soit immédiatement en capitaux propres , soit en résultat ; ils peuvent également être étalés soit selon la méthode du corridor, soit selon une méthode différente à condition qu'elle soit au moins aussi rapide que le corridor.
Le traitement comptable des effets de la loi Fillon - Le comité d'urgence du CNC s'était prononcé sur la qualification des modifications induites par cette loi (avis CU 2004-A). Les modifications devaient être comptabilisées, à compter de la date de changement de régime, selon un mode linéaire sur la durée moyenne d'acquisition des droits ; celle-ci correspond, dans le cas des IFC, à la durée résiduelle moyenne d'activité des salariés bénéficiaires.
Le traitement comptable des effets de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 - Précisons, en préambule, que les effets de cette loi ont dû être intégrés dans le calcul de l'engagement au 31 décembre 2006 ; en effet, cette loi a été publiée au JO le 22 décembre 2006 et était d'application immédiate.
L'incidence de cette loi a pu s'analyser, du point de vue comptable, soit comme un changement de plan, soit comme des écarts actuariels.
Arguments en faveur du changement de plan |
Arguments en faveur des écarts actuariels |
Modification du régime car suppression d'une modalité de départ (mise à la retraite avant 65 ans) |
Pas d'impact direct de la nouvelle loi sur le montant brut de l'IFC |
Nécessité de modifier les conventions existantes avant le 31 décembre 2009 pour intégrer cette suppression |
Pas de modifications des conventions existantes au 31 décembre 2006 |
Traitement aligné sur l'avis du comité d'urgence 04-A |
Les effets de la loi entraîne une révision des hypothèses de modalités de départ |
L'entreprise a donc la possibilité d'opter pour l'un ou l'autre traitement, à condition de justifier son analyse.
Signalons également que l'IFRIC, saisi de la question du traitement des changements législatifs affectant les régimes de retraite, a rejeté cette question estimant que le traitement comptable ne devait pas être impacté par la personne à l'origine du changement (employeur ou gouvernement).
Selon l'option retenue par l'entreprise, l'enregistrement comptable sera le suivant :
Qualification en services passés |
Qualification en écarts actuariels |
Amortissement linéaire sur la durée moyenne résiduelle d'acquisition des droits |
Selon l'option de l'entreprise : - étalement selon le mécanisme du corridor (ou méthode similaire) - comptabilisation immédiate (résultat ou capitaux propres) |
Le traitement comptable des effets de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 - Toute mise à la retraite d'office par l'employeur va générer l'acquittement d'une contribution dont le montant dépendra de la date de départ. L'évaluation de l'engagement va intégrer cette contribution. Tout comme les impacts des deux lois précédentes (Fillon et LFSS 2007), cette modification peut, à notre avis, être analysée comptablement de deux façons :
- changement de plan, ou
- écarts actuariels.