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Comptabilité Pratique comptable Mesure de l'avancement pour les contrats à long terme en référentiel français : conditions et qualification d'une modification La Commission des études comptables de la CNCC a été amenée à prendre position sur les conditions permettant de modifier le mode de mesure de l'avancement pour appliquer la méthode de l'avancement aux contrats à long terme ainsi que sur la qualification d'un tel changement. Rappel sur la méthode de l'avancement du PCG - Pour rappel, la méthode préférentielle de l'avancement pour comptabiliser les contrats à long terme (chiffre d'affaires et résultat pris en compte au fur et à mesure de l'avancement des contrats, et non au terme de l'opération) suppose de pouvoir calculer de façon fiable le pourcentage d'avancement en retenant par exemple (PCG art. 622-3) : -le rapport entre les coûts des travaux et services exécutés à la date de clôture et le total prévisionnel des coûts d'exécution du contrat ; -les mesures physiques ou études permettant d'évaluer le volume des travaux et services exécutés. À la date de clôture, les produits contractuels sont comptabilisés en chiffre d'affaires, puis régularisés le cas échéant, à la hausse comme à la baisse, pour dégager le résultat à l'avancement (PCG art. 622-3). Problématique : changement de mesure de l'avancement pour reconnaître le chiffre d'affaires social, suite à l'application d'IFRS 15 en comptes consolidés - Suite à l'application obligatoire en 2018 de la nouvelle norme IFRS 15 sur la reconnaissance du chiffre d'affaires, certaines sociétés qui établissent leurs comptes consolidés en référentiel IFRS vont devoir changer de mode de calcul du degré d'avancement d'une prestation remplie progressivement pour enregistrer le chiffre d'affaires à la clôture : en effet, le critère de reconnaissance des produits en IFRS 15 est lié au transfert du contrôle au client. Par exemple : -les méthodes de mesure de l'avancement fondées sur des jalons techniques (du type mesures physiques ou études, autorisées par l'article 622-3 du PCG) ne doivent plus être utilisées si elles conduisent à générer à la clôture des travaux en cours significatifs dont, en fait, le client a le contrôle (IFRS 15, § B15). Ce cas de figure peut donc nécessiter un changement de mode de mesure de l'avancement pour certaines sociétés ; -pour les ventes en l'état futur d'achèvement (contrats VEFA), avec la mesure de l'avancement par les coûts, l'ensemble des coûts encourus, y compris la fourniture du terrain, sont généralement représentatifs du rythme de contrôle de l'ensemble, notamment en raison du transfert juridique au client de la propriété de la totalité des éléments déjà existants (terrain et une partie de la construction) lors de la signature. La prise en compte du terrain dans les coûts peut donc entraîner un changement pour les sociétés qui n'intégraient pas le coût du terrain dans leur mesure de l'avancement auparavant. Notons pour notre part que ces deux points de vigilance avaient été mis en évidence par l'AMF dans ses recommandations pour l'arrêté des comptes à l'intention des émetteurs (AMF, « Arrêté des comptes 2017 », DOC-2017-09, octobre 2017). Qualification d'un changement du mode de calcul de l'avancement : changement d'estimation - La Commission des études comptables de la CNCC estime que : -la mesure de l'avancement par les mesures physiques ou par les coûts sont des modalités d'application de la méthode à l'avancement (et non pas une méthode comptable). Or, les changements de modalités pratiques de mise en œuvre d'une méthode comptable sont assimilables, dans leur nature, à des changements d'estimation (RNCF, avis CNC 97-06 sous PCG 122-3). Cette modalité de mesure de l'avancement doit d'ailleurs être choisie, contrat par contrat, selon la nature des travaux et des contrats, et non de manière constante pour l'ensemble des contrats, comme le serait une méthode comptable ; -lorsque l'entité mesure l'avancement par les coûts, la définition des coûts pris en compte, et en particulier l'inclusion ou non du coût du terrain dans le calcul de l'avancement d'un contrat de VEFA, est également d'une modalité de mise en œuvre de la méthode de l'avancement. Conditions d'un changement du mode de calcul de l'avancement pour l'aligner, dans les comptes sociaux, avec IFRS 15 - Selon la Commission, la seule modification des IFRS sur les contrats à long terme ne justifie pas qu'une entité doive changer d'estimation dans ses comptes annuels établis en PCG. Mais les dispositions de la nouvelle norme IFRS 15 peuvent conduire une entreprise à faire une nouvelle analyse de ses contrats, à utiliser de nouveaux outils de suivi des coûts, à changer le mode de gestion et de suivi interne de la performance de ses contrats, ainsi que, le cas échéant, pour les VEFA, à procéder à une nouvelle analyse de l'environnement de ces contrats. Par suite, l'entité peut être amenée à modifier les modalités de sa mesure de l'avancement pour la rendre plus fiable. Dans ce cas, la modification du mode de mesure doit être documentée et faire l'objet d'une information dans l'annexe. Ainsi, d'une façon générale, pour la Commission, sous réserve de justifier que les coûts engagés reflètent les travaux raisonnablement acceptés par le client, le recours à un outil de gestion permettant de suivre de manière fiable et à tout moment les coûts engagés attribuables à un contrat spécifique peut amener une entreprise à désormais comptabiliser le chiffre d'affaires de ses contrats au fur et à mesure de ses coûts, sans attendre le franchissement des jalons techniques, qu'il s'agisse de contrats de VEFA ou d'autres contrats à long terme. Élargissement dans les comptes consolidés établis en règlement CRC 99-02 - La Commission rappelle qu'un changement d'estimation doit être réalisé dans les comptes consolidés si les circonstances sur lesquelles reposait l'estimation initiale sont modifiées (RNCF, avis CNC 97-06 sous PCG 122-3). Le changement ainsi que ses motifs doivent alors être dûment documentés. En conséquence, elle précise que si de nouvelles conditions ou informations conduisent à modifier les modalités d'avancement des contrats à long terme dans les comptes annuels, ce même changement doit être opéré dans les comptes consolidés. CNCC, EC 2017-32, mars 2018 |