Le contrôle du crédit d'impôt recherche
Le contrôle du crédit d'impôt recherche peut être réalisé par les agents de l'administration fiscale, mais également par les spécialistes du ministère de la Recherche et de la Technologie. Il importe de mettre en place, avant le contrôle, une procédure de suivi et de collecte des informations afin de ne pas avoir à constituer un dossier justificatif au moment du contrôle.
Le crédit d'impôt recherche peut être sécurisé dans le cadre d'un rescrit fiscal. Cette démarche permet à l'entreprise de soumettre son projet à l'administration avant l'engagement des dépenses de recherche pour obtenir de celle-ci un accord qui lui sera opposable dans le cadre d'un contrôle ultérieur.
Contrôle de l'entreprise qui a déjà obtenu un crédit d'impôt recherche
Le contrôle du crédit d'impôt recherche est généralement effectué à l'occasion de la vérification de comptabilité de l'entreprise.
Ce contrôle peut être précédé de demandes générales d'information ou portant sur des lignes de la déclaration.
On ne peut que conseiller à l'entreprise de répondre avec précisions à de telles demandes d'information, une réponse jugée insuffisante pouvant conduire l'administration à déclencher une vérification de comptabilité.
Comment s'exerce le contrôle ?
Le contrôle du crédit d'impôt recherche peut être réalisé par deux administrations (CGI, LPF, art. L. 45 B) :
- les services des impôts qui sont seuls compétents pour procéder à des rectifications ;
- les services du ministère de la Recherche et de la Technologie.
Lors d'une vérification du CIR, l'administration fiscale sollicite l'avis du ministère de la Recherche et de la Technologie toutes les fois où l'appréciation du caractère scientifique des travaux apparaît nécessaire (doc. adm. 4 A 4142-1). La loi permet aux agents du ministère de la Recherche d'effectuer des contrôles de leur propre initiative, mais en pratique, ils interviennent à la demande de l'administration fiscale, dans le cadre des vérifications de comptabilité.
Le contrôle de l'administration fiscale s'effectue dans les conditions habituelles. Rien n'empêche le vérificateur de solliciter par ailleurs l'assistance des agents chargés du contrôle des comptabilités informatisées (CAA Paris 9 novembre 2000, n° 98-3951).
Investigations réalisées par les agents DU ministère de la recherche
Nature des investigations - Les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie peuvent vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt (CGI, LPF, art. L. 45 B).
Cette vérification peut être réalisée soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers (CGI, LPF, art. R. 45 B-1).
Ces dispositions n'imposent pas aux agents du ministère de la recherche et de la technologie d'engager avec l'entreprise un débat oral et contradictoire sur la réalité de cette affectation ; cette administration est seulement tenue de notifier à l'entreprise les résultats de son contrôle (CE 21 décembre 2001, n° 221006 ; 25 avril 2003, n° 236066).
Objectifs - L'examen des dossiers confiés aux experts scientifiques consiste principalement à :
- déterminer si les projets comprennent des travaux de recherche éligibles au CIR ;
- vérifier que le personnel affecté aux opérations de recherche possède le niveau de qualification requise ;
- évaluer la cohérence entre le temps passé et les dépenses affectées aux travaux décrits.
Modalités de l'intervention - Les agents mandatés peuvent se rendre dans les entreprises, après envoi d'un avis de visite, pour consulter notamment les documents comptables et les pièces justificatives ainsi que tous les documents techniques, effectuer toutes constatations matérielles, procéder à des vérifications techniques, en vue de s'assurer de la réalité de l'activité de recherche à laquelle les dépenses ont été affectées (CGI, LPF, art. R. 45 B-1).
-En pratique, l'intervention dans l'entreprise des agents mandatés par le ministère de la Recherche est peu fréquente. L'expert scientifique, qui intervient dans le cadre du contrôle fiscal de la déclaration de crédit d'impôt recherche, examine le dossier des justificatifs qui lui est remis par l'entreprise. Des réunions peuvent être organisés avec les représentants de l'entreprise pour l'examen des points litigieux.
Avis technique - Un avis favorable, défavorable ou mixte (quand seulement une partie des travaux est éligible au titre du CIR) est émis et communiqué à la direction des services fiscaux. Une copie est également envoyée à l'entreprise concernée.
La procédure de rectification est engagée par l'administration fiscale
L'administration fiscale reste seule compétente pour notifier les rectifications.
Lorsque le ministère de la Recherche et de la Technologie a effectué un contrôle, le simple renvoi aux conclusions de ce contrôle dans la proposition de rectification ne peut pas être regardé comme une motivation suffisante. Les éléments communiqués par ce ministère doivent figurer « en clair » dans le corps de la proposition de rectification (doc. adm. 4 A 4142-1). L'exigence posée par cette doctrine concerne la situation dans laquelle les rectifications sont fondées sur les constatations opérées par le ministère de la Recherche.
Lorsque le vérificateur ne s'est pas fondé sur cet avis pour procéder aux rectifications, il n'a pas à en porter la teneur et la portée à la connaissance du contribuable pour lui permettre d'en discuter le contenu, dès lors que le vérificateur ne s'en est pas approprié les motifs (CE 25 avril 2003, n° 236066).
La procédure de rectification suivie par l'administration fiscale est régulière dès lors qu'elle intègre les termes du rapport établi par les agents du ministère chargé de la recherche (CAA Bordeaux 15 décembre 1998, n° 96-776). De même, une réponse aux observations qui reprend les termes circonstanciés de l'avis du ministère de la Recherche est suffisamment motivée (CE 21 décembre 2001, n° 221006).
Anticiper le contrôle fiscal et sécuriser les dossiers justificatifs
Il est important que les entreprises mettent en place, avant le contrôle, une procédure de suivi et de collecte des informations et que le dossier justificatif soit élaboré lors de la souscription de la déclaration par laquelle l'entreprise sollicite le crédit d'impôt.
Les dossiers à produire par l'entreprise comportent deux composantes principales :
- justification du périmètre de chacune des opérations de recherche ;
- chiffrage rigoureux et documenté du volume des dépenses.
Les agents de l'administration ne manqueront pas de comparer la consistance du projet et l'ampleur des dépenses que l'entreprise a affectées à ce projet.
Périmètre des opérations de recherche - Le dossier préparé par l'entreprise doit notamment :
- replacer l'opération dans son contexte scientifique et économique ;
- présenter l'état de l'art existant, les recherches bibliographiques et la veille technologique effectuées ;
- identifier les objectifs visés, les performances à atteindre et les contraintes ;
- indiquer les incertitudes scientifiques et techniques, les verrous technologiques et les problèmes à résoudre.
Description des travaux effectués - Il appartient à l'entreprise :
- de présenter les développements réalisés, les modélisations, les simulations, les essais, les prototypes « recherche » (à distinguer des prototypes « validation de conception » non éligibles), les méthodes et les moyens mis en oeuvre ;
- de faire de même pour les opérations sous-traitées (voir fiche 4) ;
- d'indiquer les renseignements et les informations issus de ces travaux, en particulier les essais et prototypes « recherche » ;
- de montrer en quoi ces travaux ne relèvent pas d'un savoir commun à la profession.
Il convient de souligner les progrès scientifiques ou technologiques réalisés en montrant en quoi les travaux entrepris pour les accomplir entraînent un écart significatif par rapport à la connaissance et à la pratique généralement répandues dans le domaine.
Ressources utilisées - L'entreprise doit justifier des temps passés aux travaux de recherche par les scientifiques et les ingénieurs. Ceux-ci doivent être déterminés agent par agent, projet par projet, année par année.
Il convient de préciser, pour chaque projet, les ressources associées (moyens humains chiffrés par projet, dépenses en matériel...), de faire état d'éventuelles collaborations avec des laboratoires publics de recherche, des centres techniques exerçant une mission d'intérêt général ou des industriels (agréés ou non au titre du CIR).
Règles de prescription
Pour les crédits d'impôt recherche antérieurs à 2008, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le crédit d'impôt a été imputé ou restitué (doc. adm. 4 A 4142-2).
Pour les crédits d'impôt calculés au titre des dépenses de recherche exposées à compter du 1er janvier 2008, le délai de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle du dépôt de la déclaration 2069-A prévue pour le calcul du crédit d'impôt (CGI, LPF, art. L. 172 G).
Pour les crédits d'impôt recherche calculés au titre des dépenses de recherche exposées à compter du 1er janvier 2008, le dépôt de la déclaration aura lieu en 2009.
L'administration pourra donc vérifier le crédit d'impôt recherche calculé au titre des dépenses exposées en 2008 jusqu'au 31 décembre 2012.
Pour un crédit d'impôt calculé au titre de l'année 2007, la créance étant imputée sur l'IS dû au titre de l'exercice 2009, le droit de reprise peut s'exercer jusqu'au 31 décembre 2012.
L'avis du ministère de la Recherche adressé à l'entreprise n'interrompt pas la prescription (doc. adm. 4 A 4142-3).
Contrôle sur demande
La procédure de contrôle à la demande permet aux petites et moyennes entreprises de demander à l'administration de contrôler sur des points précis les opérations qu'elles ont réalisées, y compris pour la période ou l'exercice en cours (CGI, LPF, art. L. 13 C ; BO 13 L 2-06). Lorsque l'administration a répondu favorablement à cette demande, elle doit informer l'entreprise des résultats du contrôle sur chacun de ces points et ses conclusions constituent des prises de position formelles qui lui sont opposables (CGI, LPF, art. L. 80 A et L. 80 B ; voir « Les contrôles fiscaux dans l'entreprise », RF 2007-2, § 600).
Pour le crédit d'impôt recherche calculé au titre des dépenses exposées à compter du 1er janvier 2008, le contrôle sur demande concerne toutes les entreprises, sans condition de chiffre d'affaires (CGI, LPF, art. L.13 CA).
Lorsque une déclaration fiscale déjà souscrite se révèle erronée, l'entreprise peut rectifier la situation en déposant une déclaration de régularisation. Les rappels d'impôt sont alors assortis d'un intérêt de retard réduit de 30 %.
Jouer la sécurité : le rescrit fiscal
Interroger préalablement l'administration
Un des principaux reproches faits au crédit d'impôt est le risque de le voir remis en cause par l'administration lorsqu'elle vérifie a posteriori les critères d'attribution.
Une solution consiste à obtenir un avis favorable de l'administration préalablement au commencement des travaux de recherche. C'est le rescrit fiscal. Selon cette procédure, une entreprise peut demander à l'administration si son projet de dépenses de recherche est éligible au crédit d'impôt recherche (CGI, LPF, art. L. 80 B-3°). La réponse favorable, ou le défaut de réponse dans les trois mois suivant la demande, est opposable à l'administration. Cette procédure rencontre un succès mitigé auprès des entreprises (environ 50 demandes de rescrit par an). La raison essentielle évoquée par les entreprises est le caractère préalable de la demande, avant le début des opérations de recherche.
La demande d'avis préalable doit se faire obligatoirement avant le démarrage du projet de recherche. Toutefois, la possibilité de demander un avis préalable sur l'éligibilité d'un projet au bénéfice du CIR n'oblige pas l'entreprise à attendre l'avis pour commencer ses travaux. Seule la demande est préalable.
Présentation de la demande
Pour bénéficier de la procédure de rescrit, l'entreprise doit adresser sa demande accompagnée d'un dossier, à la direction des services fiscaux dont elle dépend. Ce dossier se compose d'un questionnaire concernant l'entreprise et l'opération de recherche et comporte un état prévisionnel des dépenses de recherche. Cet état prévisionnel permet aux services de l'administration de mesurer les enjeux financiers du projet.
Le questionnaire comporte une première série de renseignements concernant l'entreprise, son activité et son environnement. La seconde série de questions concerne l'opération de recherche envisagée.
Ce dossier est téléchargeable sur le site « http://wwww.enseignementsup-recherche.gouv.
fr/technologie/mesur/cir/form2008/rescrit.pdf ». Un exemplaire de ce dossier est reproduit sur notre site Internet, rubrique « Plus sur le Net ».
Le projet de loi de modernisation de l'économie prévoit que, à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2010, l'entreprise pourra adresser sa demande directement aux services relevant du ministre chargé de la recherche ou à un organisme chargé de soutenir l'innovation (la liste des organismes sera fixée par un décret en Conseil d'État). La prise de position des services du ministère de la Recherche et des organismes consultés directement sera notifiée à l'entreprise et à l'administration. Lorsque cette prise de position sera favorable (ou en l'absence de réponse dans un délai de trois mois), l'administration des impôts ne pourra rejeter la demande de l'entreprise que pour un motif autre.
Position de l'administration
L'administration peut solliciter l'avis des scientifiques - L'administration des impôts peut solliciter l'avis des services du ministère de la Recherche lorsque l'appréciation du caractère scientifique et technique du projet de recherche le nécessite (CGI, LPF, art. R* 80 B-5 c).
Le projet de loi de modernisation de l'économie prévoit que l'administration pourra également consulter des organismes chargés de soutenir l'innovation à compter du 1er janvier 2009. L'avis favorable émis par ces organismes et notifié à l'administration fiscale s'imposera à cette dernière.
Les personnes consultées dans le cadre d'une demande de rescrit sont tenues au secret professionnel (CGI, LPF, art. L. 103).
Trois mois pour répondre - Pour les demandes adressées depuis le 1er mars 2008, la réponse de l'administration doit intervenir dans un délai de trois mois. Si l'administration ne répond pas dans ce délai, cette absence de réponse vaut accord tacite de la demande (CGI, LPF, art. L. 80 b-3°). Le délai de réponse court à compter de la réception de la demande adressée sous pli recommandé avec demande d'accusé de réception. C'est un délai franc calculé de quantième à quantième. Si le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Portée de la réponse (ou de l'absence de réponse)
La réponse expresse (ou le défaut de réponse dans les trois mois) est opposable à l'administration. Dans le cadre d'un contrôle fiscal ultérieur, aucune rectification ne pourra être notifiée par l'administration sur la base des éléments de la demande.
L'accord préalable de l'administration n'exclut pas un contrôle ultérieur des dépenses portées sur la déclaration.
L'avis émis par l'administration ne vaut que pour le projet particulier de recherche présenté et examiné. Chaque projet peut faire l'objet d'une demande d'avis préalable indépendante.
De même, la réponse ne vaut que pour l'entreprise concernée : un contribuable ne saurait opposer la réponse faite à un autre.
Actuellement, seule une réponse émanant de l'administration fiscale peut valoir prise de position formelle sur la situation de fait du contribuable. L'avis éventuellement rendu par les services du ministère de la Recherche ne peut constituer une telle prise de position.
Toutefois, le projet de loi de modernisation de l'économie prévoit que les avis des services du ministère de la Recherche et des organismes consultés directement s'imposeront à l'administration sur le plan technique (voir ci-avant). En revanche, l'administration restera seule juge des autres conditions d'application du crédit d'impôt.