Pratique comptable
La réforme des institutions comptables : première étape
Nommé à la présidence du Conseil national de la comptabilité (CNC) le 13 mars dernier, Jean-François Lepetit a été chargé d'une mission de proposition pour faire évoluer les instances de normalisation (CNC et CRC) dans le domaine de la comptabilité. Suite au rapport qu'il vient de remettre au ministre de l'Économie et des Finances, une première étape se concrétise par la parution d'un décret qui restructure en profondeur le CNC préfigurant ainsi la création, qui doit intervenir avant la fin de l'année, d'une autorité administrative indépendante, l'« Autorité des normes comptables » (ANC), dotée de moyens financiers adaptés et chargée d'édicter l'intégralité des règles relatives à la présentation des comptes et à la définition de leur contenu.
Rappel des caractéristiques du système actuel
Ainsi que le rappelle le rapport Lepetit, le système comptable français se caractérise par trois niveaux de normalisation comptable : certaines dispositions relèvent de la loi, d'autres de décrets et enfin d'autres de règlements du Comité de la réglementation comptable homologués par arrêtés ministériels. Ainsi, certaines définitions comptables font-elles double emploi avec celles des règlements du CRC, ce qui est propre à créer une insécurité juridique et à susciter des contentieux d'interprétation.
Par ailleurs, aujourd'hui, les règlements compta- bles sont adoptés par le Comité de la règlementation comptable (CRC) après avis de l'Assemblée plénière du CNC puis homologués par arrêtés. Or, le CNC n'est qu'un organe consultatif et son fonctionnement repose sur le bénévolat, ce qui limite grandement son pouvoir d'action.
Enfin, une partie de la normalisation comptable échappe aux instances françaises. En effet, les normes IFRS sont devenues le nouveau standard de communication financière des sociétés cotées d'où l'importance de participer plus activement à l'évolution de ces normes internationales et de donner un avis sur leur interprétation.
L'ensemble de ces raisons milite pour une évolution du système de normalisation français.
Première étape de la réforme : un CNC rénové en profondeur
Préfiguration de ce que devrait être la future « Autorité des normes comptables », le Conseil national de la comptabilité est réformé en profondeur avec notamment l'instauration d'un collège, de commissions spécialisées, d'un comité consultatif et d'une direction générale.
Toutefois, sa mission demeure, pour le moment, la même que celle qui lui était dévolue précédemment : émettre, dans le domaine comptable, des avis et recommandations concernant l'ensemble des secteurs économiques (décret 2007-629 du 29 avril 2007).
Composition du Conseil national de la comptabilité
Cette instance est désormais structurée autour d'un organe de décision, le collège, assisté pour préparer ses décisions par des commissions spécialisées et un comité consultatif.
Le collège - Le collège est l'organisme qui exerce les attributions du CNC. Il est composé de seize membres dont neuf personnes désignées, à raison de leurs compétences économique et comptable, par le ministre chargé de l'économie après consultation des organisations représentatives des entreprises et des professionnels de la comptabilité, parmi lesquelles le ministre chargé de l'économie nomme le président.
La durée du mandat du président est de six ans renouvelable. La durée du mandat de autres membres est de trois ans.
Les commissions spécialisées
-> La commission des normes comptables internationales. La commission des normes comptables internationales est chargée de préparer, en liaison avec les diverses institutions internationales concernées, les projets d'avis du collège sur les normes élaborées par les organismes internationaux de normalisation comptable, sur leur application ainsi que sur les dispositions comptables d'origine communautaire.
Cette commission, présidée et vice-présidée par deux membres du collège désignés par le président, comprend neuf membres.
-> La commission des normes comptables privées. La commission des normes comptables privées est chargée de préparer les projets d'avis du collège sur les dispositions comptables nationales applicables à toute personne physique ou morale soumise à l'obligation légale d'établir des documents comptables.
Cette commission, présidée et vice-présidée par deux membres du collège désignés par le président, comprend neuf membres.
-> Autres commissions spécialisées. En dehors de ces deux commissions, le collège peut constituer d'autres commissions spécialisées dans lesquelles il nomme, le cas échéant, des experts pour préparer ses décisions.
Le comité consultatif - Un comité consultatif composé de vingt-cinq représentants du monde économique et social, dont deux représentants des syndicats représentatifs des salariés, est nommé par arrêté du ministre chargé de l'économie après avis du président du collège, pour une durée de trois ans renouvelable. Les personnalités qualifiées du collège peuvent assister aux réunions du comité consultatif.
Fonctionnement du Conseil national de la comptabilité
Le collège - Les avis et recommandations du CNC, préparés par le direction générale et, le cas échéant, après délibération des commissions spécialisées, sont arrêtés par le collège réuni par son président. La décision est prise à la majorité des voix. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.
Le collège peut être saisi par le président ou par le ministre chargé de l'économie de toute question relative à l'interprétation ou l'application d'une norme comptable nécessitant un avis urgent. Il doit statuer dans un délai maximal de trois mois à compter de la date de saisine.
Le directeur général - Le Conseil national de la comptabilité dispose de services dirigés par un directeur général. Ce dernier est nommé par arrêté du ministre chargé de l'économie, après avis du président du collège. Il est chargé de la gestion administrative du conseil, de la préparation et du suivi des travaux techniques ainsi que de toute question qui pourrait lui être confiée.
Entrée en vigueur
L'ensemble de ces nouvelles dispositions prévues par le décret entrera en vigueur le jour de la première réunion du collège dont les membres ne sont pas encore nommés. Jusqu'à cette date, le Conseil national de la comptabilité continuera à fonctionner selon les dispositions actuelles prévues par le décret du 26 août 1996, dispositions qui seront abrogées à compter de cette première réunion.
Le décret précise également que le président du Conseil national de la comptabilité, Jean-François Lepetit, nommé pour six ans par arrêté du 13 mars 2007, exerce ses fonctions jusqu'au terme de son mandat.
Deuxième étape de la réforme : l'Autorité des normes comptables
Pour répondre aux enjeux actuels, le Conseil national de la comptabilité doit passer, selon le rapport Lepetit, du stade d'organisme consultatif à celui de régulateur de normes comptables, organisme de plein exercice, crédible, car disposant de moyens propres et adéquats, et conçu comme l'institution représentative de l'ensemble des parties prenantes dans le domaine comptable. Cet organisme serait intitulé « Autorité des normes comptables ».
Rôle de l'Autorité des normes comptables (ANC)
L'« Autorité des normes comptables », appelée à remplacer le Conseil national de la comptabilité et le Comité de la réglementation comptable, aurait, selon les propositions faites par le rapport Lepetit, pour mission :
- d'adopter les règlements comptables nationaux applicables aux comptes individuels de toutes les entreprises françaises après homologation par arrêtés ministériels ;
- de contribuer à l'évolution des normes compta- bles internationales, standard de communication financière des sociétés cotées, et de suivre leur application ;
- d'établir toutes les synergies utiles entre les processus de normalisation de la comptabilité publique et privée.
Fonctionnement de l' « Autorité des normes comptables »
Selon le rapport, cette nouvelle « Autorité des normes comptables » devrait être dotée d'un collège, organe de délibération et de décision représentatif et capable d'adopter une perspective stratégique sur les questions comptables.
L'activité de l'ANC serait organisée en trois pôles :
- un pôle « normes comptables privées », chargé de l'élaboration de l'ensemble des normes nationales applicables au secteur privé et de leur modernisation, lorsqu'elle s'avère nécessaire ;
- un pôle « normes comptables internationales » chargé de préparer et de participer aux négociations internationales sur les normes IFRS ;
- un pôle « normes publiques » notamment chargé de préparer les travaux du Comité des normes de comptabilité publique. Seront ainsi réunies au sein des mêmes services toutes les compétences afin de favoriser la démarche de convergence des normes publiques et privées.
Les moyens
Pour être crédible, le rapport propose que cette nouvelle autorité dispose de ressources propres et adéquates qu'il lui appartiendra de définir et dont une partie pourrait provenir du secteur privé. Ainsi, l'ANC pourrait être financée par trois sources différentes à parts égales : une subvention de l'État, une charge sur les entreprises et une charge sur la profession comptable.
Serait également étudiée, la possibilité pour l'ANC d'être l'organe national chargé de contri- buer au financement des organisations internationales ou européennes engagées dans le dispositif IFRS, à charge pour elle de collecter les ressources nécessaires auprès des entreprises concernées.
Une loi est attendue
Le Conseil national de la comptabilité, tel qu'il vient d'être rénové par le décret du 27 avril 2007 préfigure la mise en place de l'« Autorité des normes comptables » pour la création de laquelle une loi est attendue avant la fin de cette année.