Pratique comptable
Engagez un processus de clôture de qualité
Associé Bellot Mullenbach & Associés (BMA), Responsable de l'activité « Performance de la fonction comptable »
La clôture des comptes constitue un moment privilégié dans l'année pour mettre en évidence les forces et les axes de progrès de la fonction comptable, et donc pour entreprendre une démarche d'amélioration. Un bon niveau de performance se traduit en effet par une information comptable et financière de qualité, produite dans des délais raisonnables et avec des coûts maîtrisés. A contrario, les faiblesses préexistantes de l'organisation sont mises en exergue par des délais anormalement longs, des difficultés dans la collecte et le traitement des données et une qualité dégradée de l'information produite.
Diagnostic de la clôture
Afin d'identifier et de calibrer les actions de progrès nécessaires, il est utile de mener un « diagnostic de la clôture » autour des deux axes suivants :
- appréciation de l'alimentation de la comptabilité par les processus opérationnels situés en amont (revenus/clients, achats/fournisseurs, investissements/désinvestissements, trésorerie, stocks, personnel, comptes intercompagnies...) ;
- organisation de la fonction comptable (pilotage de la fonction et de l'arrêté, qualité du système d'informations, normes et méthodes...).
Les grilles proposées ci-après permettent de réaliser ce diagnostic en évaluant la criticité des principaux domaines clés de la clôture, chacun d'entre eux étant apprécié de la manière suivante :
- « clignotant au vert » : domaine correctement maîtrisé ;
- « clignotant à l'orange » : niveau de maîtrise limité ou survenance d'anomalies ;
- « clignotant au rouge » : domaine posant de réelles difficultés.
Premier axe d'analyse : alimentation de la comptabilité par les processus amont
La problématique
L'engagement d'une démarche d'amélioration de la clôture (par la réduction des délais) au niveau du seul département comptable trouve très rapidement ses limites, avec, à partir d'un certain seuil, une dégradation de la qualité de l'information produite.
Alimentation de la comptabilité par les processus amont : grille de diagnostic |
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Domaines clés de la clôture |
Clignotants |
Commen- taires (*) |
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Vert |
Orange |
Rouge |
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Maîtrise des différents circuits de l'information aboutissant à la base comptable |
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Centralisation rapide et régulière de l'information vers la comptabilité |
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Transmission à la comptabilité de documents standardisés selon des spécifications précises et préétablies |
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Niveau d'intégration et d'automatisation - Existence de contrôles de bouclage entre bases opérationnelles et base comptable |
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Maîtrise des schémas comptables pour l'ensemble des événements opérationnels |
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Traçabilité entre les flux et leur traitement comptable : contrôles clés |
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Répartition claire des travaux de clôture entre comptables et opérationnels |
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Maîtrise des données publiées de nature non comptable (exemples : effectifs, volumes...) |
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Capacité de la direction comptable à faire valoir la règle comptable dans l'organisation (réglementation, référentiels internes, contrôle interne...) |
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Examen critique des liasses de consolidation avant leur intégration (cas des groupes de sociétés) |
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Appréciation générale |
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(*) Les appréciations et les commentaires peuvent être établis de manière générale pour l'ensemble de l'organisation, puis au niveau de chaque processus amont. |
En fait, une grande partie des difficultés rencontrées en période d'arrêté se situe au niveau des fonctions internes, en amont de la comptabilité, les informations reçues pouvant se révéler de qualité médiocre, soit par non-respect des délais fixés, soit encore par défaut d'exhaustivité, de contrôle ou encore de présentation.
Ces défauts d'alimentation, s'ils ne sont pas traités, se traduisent inévitablement par des anomalies dans l'information comptable et financière : manque de fiabilité, retards de production, non-conformité aux référentiels... C'est le principe bien connu du « garbage in, garbage out » (« déchet à l'entrée, déchet à la sortie ») !
La clôture se transforme alors en un aller-retour continuel entre des étapes qui devraient normalement s'enchaîner chronologiquement :
- fourniture d'informations par les processus opérationnels en amont de la comptabilité,
- alimentation de la base comptable par ces informations,
- analyse des comptes,
- arrêté définitif de la base comptable,
- production des états financiers,
- validation des états financiers.
Citons, parmi les écueils à éviter à l'arrêté des comptes :
-• devoir intégrer un produit significatif ou une nouvelle évaluation d'un passif, alors que les états financiers sont considérés comme finalisés ou en voie de l'être ;
-• augmenter les temps de réception de l'information en provenance de l'amont en pensant fiabiliser et rendre plus exhaustive la base comptable. Cette modalité de travail traduit plutôt un défaut de maîtrise des processus.
La démarche à engager avec les « fournisseurs d'informations »
Il convient de procéder de la manière suivante :
-• identifier clairement, par processus, ses fournisseurs d'informations,
-• recenser avec eux la nature des informations nécessaires à la comptabilité, le format (informatisé ou non), le mode de transmission et la date limite d'obtention,
-• inventorier les éventuelles difficultés (goulets d'étranglement, zones d'ombre, retards prévisibles...).
Attention, il ne s'agit pas d'imposer des contraintes comptables, mais de définir ensemble un véritable « contrat de fourniture de données ». Ce type de démarche a fait ses preuves.
La mise en place de « rencontres » avec les « fournisseurs d'information » permettra par ailleurs d'améliorer leur connaissance des besoins et des impératifs de la comptabilité et d'éviter, en période de clôture, bien des relances, des travaux inutiles ou redondants.
Ce sont souvent même les opérationnels qui détectent des solutions pratiques non forcément imaginées par le département comptable : modification des circuits d'informations, anticipation de certaines opérations, exploitation d'autres sources...
Selon le degré de facilité de mise en oeuvre, les idées d'évolution pourront être appliquées dès cette clôture ou faire l'objet d'un premier recensement en vue d'une mise en oeuvre ultérieure.
Second axe d'analyse : organisation de la fonction comptable
Organisation de la fonction comptable : grille de diagnostic |
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Domaines clés de la clôture |
Clignotants |
Commen-taires |
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Vert |
Orange |
Rouge |
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Veille réglementaire (référentiels et normes, doctrine comptable) et diffusion/formation |
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Homogénéité des référentiels et des outils |
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Degré d'intégration, d'informatisation et d'évolutivité. Sécurité informatique |
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Uniformité des traitements comptables (réduction à « portion congrue » des exceptions à la règle générale) |
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Disponibilité et compétence des ressources humaines affectées aux activités comptables. Formation |
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Répartition des travaux d'analyses de comptes sur l'ensemble de l'exercice |
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Culture et mentalité tournées vers la production rapide des documents |
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Étape de validation de l'information comptable et financière, préalable à la diffusion |
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Appréciation générale |
À partir des résultats de ce diagnostic, les actions suivantes sont à engager :
Résultat du diagnostic |
Actions à engager |
Existence de clignotants au rouge et à l'orange |
Lancement de « démarches structurantes », à cibler selon les besoins |
Exploitation de la clôture 2006 pour engager des « actions ciblées d'amélioration » |
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Mise en évidence de quelques clignotants à l'orange |
Lancement d'« actions ciblées d'amélioration » |
Démarches structurantes
La présence de plusieurs dysfonctionnements lourds nécessite le lancement de démarches à caractère structurant. Celles-ci supposent d'engager une réflexion préalable et des actions plus ou moins importantes selon les organisations.
Bien entendu, si celles-ci n'ont pas été amorcées bien avant la clôture, elles ne peuvent produire leurs effets. Néanmoins, il n'est pas inutile de bien les connaître pour une éventuelle mise en oeuvre ultérieure.
Enfin, étant donné que ces actions dépassent souvent largement le périmètre comptable, l'engagement de la direction générale constituera un facteur clé incontournable.
Démarches structurantes |
Description |
Impacts sur la clôture |
Unifier les référentiels |
Homogénéiser le modèle de gestion Unifier le langage comptable et financier Mettre en place un manuel comptable, un plan de comptes groupe et des clefs comptables uniques |
Éviter les pertes de temps liées à la comparaison d'agrégats issus de systèmes différents et à des divergences d'interprétation |
Revoir l'architecture du système d'information |
Mieux intégrer les outils Unifier la base de données si le contexte le permet |
Faciliter les échanges d'informations entre les différents outils |
Refondre certains processus complexes ou à risques |
Reconcevoir les processus comptables et les processus métier considérés comme prioritaires |
Avancer le maximum de travaux avant la clôture Simplifier les échanges et les tâches |
Réaliser une préclôture |
Arrêter un ensemble d'opérations ou de flux à une date antérieure, par exemple au 31 octobre ou au 30 novembre pour une clôture au 31 décembre (sous réserve de spécificités éventuellement bloquantes au niveau des activités) Faire porter les travaux des commissaires aux comptes essentiellement sur cet arrêté |
Alléger les travaux de clôture annuelle |
Organiser la comptabilité autour de la production du reporting |
Augmenter la fréquence de production Répartir les travaux d'analyse des comptes sur l'ensemble de l'année, et ce, au niveau de chaque responsable de processus comptable |
Banaliser et mécaniser le processus de clôture |
Actions ciblées
D'autres actions, plus ciblées, peuvent être mises en oeuvre à l'occasion de la clôture 2006 :
- définir et exploiter un planning de clôture,
- organiser une réunion de préparation de la clôture,
- intégrer le principe d'importance relative.
Définir et exploiter un planning de clôture
Le planning de clôture constitue un véritable engagement de respect des délais et de qualité de l'information tant au niveau des opérationnels que des comptables, les retards, même minimes individuellement, se répercutant sur toute la chaîne comptable.
La planification représente ainsi un outil d'organisation des travaux puis, lors du déroulement pratique des opérations, de pilotage de la clôture (indicateurs d'alerte sur les tâches critiques notamment) ; l'objectif étant d'en apprécier la qualité (suivi des écarts et des incidents, engagement d'actions correctives en cas de dérive) et de préparer au mieux la clôture suivante.
Le degré de détail du planning de clôture dépend du niveau de performance de l'organisation, et ce, tant au niveau de la granulométrie des travaux visés que du mode de quantification des délais accordés.
En tout état de cause, mieux vaut un planning identifiant les principales sources et travaux de la comptabilité, exprimé en semaines ou demi-semaines, qu'une absence totale de planification !
Organiser une réunion de préparation de la clôture
La ou les réunions (selon la taille de l'organisation et donc du nombre d'interlocuteurs) de préparation de la clôture permet(tent) de faire se rencontrer les principaux acteurs de ce processus avant le lancement des opérations : direction générale, service juridique, fiscalistes, ressources humaines, services opérationnels... Nous listons ci-après les points qui doivent être généralement traités.
Réunion de préparation de la clôture : les points à traiter |
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Ordre du jour |
Description des points |
Instructions et planning de clôture |
• Planning de clôture • Différences, le cas échéant, avec le planning de clôture mensuelle |
Conditions d'arrêté |
• Moyens humains et techniques disponibles pour la clôture • État d'avancement des différents processus, problèmes en suspens, actions engagées |
Risques et événements significatifs intervenus au cours de la période |
• Identification, chiffrage, le cas échéant, des risques et opérations significatives • Détermination des options comptables ou fiscales et modes de comptabilisation. À noter que ces différentes options devront systématiquement être revues avec : - la direction générale pour décision définitive, - les commissaires aux comptes pour partage des positions en termes de principes et méthodes comptables |
Tâches critiques au niveau des processus amont |
• Définition des tâches critiques par processus : - dates d'arrêté pour le chiffre d'affaires, les achats, les immobilisations... - détermination des provisions pour risques - exploitation du résultat des inventaires - réciprocité des comptes intragroupe... • Enchaînement des tâches • Éventuelles solutions de back-up. Procédures présentant les traitements à mener afin de pallier la défaillance d'un acteur, l'absence d'une information en provenance de l'amont ou, plus généralement, l'impossibilité de réaliser une tâche critique prévue au planning |
Retour d'expériences |
• Rappel des incidents survenus lors des arrêtés précédents • Rappel des actions préventives et correctrices à engager à l'occasion de la clôture |
Intégrer le principe d'importance relative
Le seuil de signification correspond au montant à partir duquel une erreur, une inexactitude ou une omission peut affecter la régularité, la sincérité et l'image fidèle des comptes.
Appliquer le principe d'importance relative, c'est adopter des conventions de clôture privilégiant l'essentiel à l'accessoire et montrant le caractère illusoire de la recherche d'une précision excessive à des niveaux plus agrégés.
Dans ce cadre, les règles de comptabilisation et de contrôle évoluent de la manière suivante :
- recourir aux données élémentaires captées plus en amont des processus ;
- mettre en place et exploiter des estimations, des statistiques, ces pratiques supposant néanmoins d'en mesurer la sensibilité. Pour cela, il convient notamment de répondre à la question : « quel aurait été l'impact de l'application des méthodes nouvellement retenues sur les états financiers passés ? » ;
- opérer les analyses de comptes avec le « filtre » du seuil de signification et d'un seuil de travail.
L'application de ces principes semble nécessiter une évolution encore importante de la culture comptable, et notamment de la perception de ce que recouvre « une information comptable et financière de qualité ».